Pourquoi la Chine entretient-elle le mystère autour de la disparition des chiffres du chômage des jeunes ?
En juin 2023, le taux de chômage des jeunes chinois était de 21,3%. Depuis, plus aucune statistique officielle sur cet indicateur n’a été publiée.
"S’ils ne les ont pas publiés, c’est probablement que le chômage va encore augmenter", indique Marc Julienne, responsable des activités Chine au sein du Centre Asie de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI). Selon le chercheur, Pékin joue une double stratégie en ne publiant pas ces chiffres : "essayer de cacher une réalité gênante à la fois pour l’image du régime et qui pourrait aussi provoquer une certaine contestation pourrait émerger au sein de cette jeunesse qui aujourd’hui n’a pas de travail".
Si l’on zoome sur le profil de ces jeunes au chômage, il s’agit principalement de jeunes urbains diplômés qui cherchent du travail dans le secteur des services.
Problème : "L’économie chinoise n’a pas d’emploi pour ces jeunes formés à destination du tertiaire", explique Marc Julienne.
Cette inadéquation entre le profil des diplômés et le marché du travail est le résultat d’une transition économique manquée amorcée dans les années 1980, note le chercheur d’IFRI.
"Il y a 20 ou 30 ans, l’économie chinoise était basée sur la production manufacturière et les exportations. C’est d’ailleurs pour cela que la Chine était surnommée l’Atelier du Monde. Elle tournait grâce à une main-d’œuvre à bas coût, jeune et très nombreuse. Puis, il y a eu la volonté de transiter vers un modèle économique basé sur les services, la haute technologie et la consommation intérieure tout en misant sur la formation de sa population. Sauf que ce virage économique n’a pas eu lieu. En revanche, le système éducatif lui, a opéré cette transition. Résultat : il n’y a pas suffisamment d’emplois pour absorber les millions d’étudiants qui sont diplômés chaque année."
[...]
C’est toute l’économie chinoise qui est aujourd’hui en crise
Le fort taux de chômage chez les jeunes est l’un des symptômes de la crise économique dont souffre la Chine ces derniers mois.
Une crise qui touche ces exportations (-14.5% en juillet) mais surtout de l’un des secteurs clefs de l’Empire du Milieu : l’immobilier. Les investissements dans ce domaine ont chuté de 8.5% en un an.
Aujourd’hui, l’immobilier qui représente encore 25% du PIB chinois n’est plus un relais de croissance. En effet, la demande en nouveaux logements s’effondre. Les millions de Chinois à travers le pays qui travaillaient – ou espérer travailler – dans le bâtiment risquent ainsi de se retrouver au chômage.
Cette crise immobilière est en fait liée à une bulle spéculative, "le crédit était très abondant et donc tout le monde se mettait à investir très massivement dans l’immobilier et en fait, on voyait bien que l’immobilier ne servait pas à loger des gens, mais à placer de l’argent et à spéculer", avance Marc Julienne.
"Couper complètement le crédit risquerait d’aggraver les problèmes", poursuit le chercheur de l’IFRI.
[...]
Réponse dans les prochains mois, si le gouvernement chinois décide de publier à nouveau les statistiques du taux de chômage et que l’économie chinoise repart à la hausse.
À en croire les chiffres annoncés le 17 juillet dernier par le Bureau national des statistiques chinois, Pékin aurait enregistré 6,3% de croissance sur ce second trimestre 2023.
L’objectif de 5% de croissance pour l’ensemble de l’année 2023 fixée par le gouvernement chinois sera-t-il finalement atteint ? "Ce sera intéressant de voir la communication des autorités au début d’année prochaine pour voir si elles révèlent ou maquillent un peu les chiffres de la croissance pour 2023. On pourra également les comparer avec les calculs des grandes banques internationales, y compris le FMI, la Banque mondiale ou ceux d’économistes indépendants", conclut Marc Julienne.
>> Retrouver l'article en intégralité sur le site de la RTBF
Média
Partager