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Pékin mise sur une diplomatie agressive, et après ?

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cité par Stéphanie Khouri dans

  L'Orient Le Jour
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Le regain d’agressivité de la Chine sur la scène internationale depuis la crise de la Covid-19 s’inscrit dans la lignée d’une politique étrangère en place depuis plusieurs années. À terme, cette stratégie pourrait pourtant se montrer contre-productive.

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« Diplomatie du masque », « Poutinisation de la diplomatie chinoise », « loups-guerriers de Pékin » : les formules colorées ne manquent pas pour qualifier la nouvelle stratégie chinoise depuis que la crise de la Covid-19 a permis au pays de reprendre son souffle, et son élan, sur la scène internationale.

La Chine du président Xi Jinping mise en effet sur un regain d’agressivité dans sa politique étrangère et sur le déploiement d’une aide humanitaire aux pays qui en ont besoin afin de convaincre l’opinion internationale de sa bonne gestion de la crise et de l’efficacité de son modèle. Sa stratégie se manifeste notamment par « une agressivité débridée de certains diplomates en poste à l’étranger, qu’il ne faut pas systématiser : tous les ambassadeurs ne sont pas agressifs, en revanche une tendance se confirme, celle de diplomates très actifs sur les réseaux sociaux occidentaux, qui n’hésitent pas à défendre de manière très virulente le discours de la Chine », estime Marc Julienne, chercheur au Centre Asie de l’Institut français des relations internationales et spécialiste de la politique étrangère de la Chine.

Une agressivité débridée de certains diplomates en poste à l’étranger, qu’il ne faut pas systématiser : tous les ambassadeurs ne sont pas agressifs, en revanche une tendance se confirme, celle de diplomates très actifs sur les réseaux sociaux occidentaux, qui n’hésitent pas à défendre de manière très virulente le discours de la Chine

En France, en Suède ou en Allemagne, des ambassadeurs et hauts dignitaires font entendre la voix de la Chine et défendent le bilan officiel du pays sur les plateaux de télévision ou sur les réseaux sociaux dans la langue du pays où ils officient. Une méthode dénoncée comme une campagne de désinformation par plusieurs pays, et qui a notamment valu à l’ambassadeur de Chine en France de se faire convoquer par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. « L’agressivité des diplomates et porte-parole du gouvernement ainsi que l’adoption de méthodes de communication proches des techniques russes de désinformation constituent les deux grandes tendances, déjà à l’œuvre avant la pandémie, qui se sont certainement amplifiées avec l’adoption par la Chine d’une attitude défensive après avoir été accusée de dissimuler l’apparition de l’épidémie à Wuhan », estime Sarah Cook, spécialiste de la Chine au Freedom House à New York. Si ces méthodes de communication frontales ont fait les gros titres de la presse internationale depuis plusieurs semaines, elles ne sont pourtant pas nouvelles : « Elles reposent sur des méthodes qui étaient déjà à l’œuvre depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping (en 2013). Elles ont été exacerbées de manière inédite avec la crise de la Covid-19, mais la diplomatie du masque et l’assistance sanitaire s’inscrivent dans cette politique de soft power que la Chine essaie de déployer depuis un grand nombre d’années – non sans mal », note Marc Julienne.

Pour Pékin, l’enjeu est en effet de taille. Il s’agit de redorer l’image du modèle socialiste à la chinoise alors que le Parti communiste s’apprête à célébrer son centenaire en 2021. Il s’agit également de préserver les intérêts économiques du pays alors même que la Chine connaît un ralentissement depuis plusieurs années, qui pourrait lourdement s’aggraver au lendemain de la pandémie. « Le chômage, le risque sur le système bancaire, sur l’immobilier ou sur la consommation… un certain nombre d’indicateurs montrent que la Chine entre dans une période extrêmement compliquée. Cette pression économique intérieure pourra se refléter sur le rôle de la Chine dans les relations internationales, et notamment dans sa capacité à allouer des prêts ou à investir dans des projets à l’étranger, comme dans le projet des nouvelles routes de la soie », observe Marc Julienne.

Le chômage, le risque sur le système bancaire, sur l’immobilier ou sur la consommation… un certain nombre d’indicateurs montrent que la Chine entre dans une période extrêmement compliquée. Cette pression économique intérieure pourra se refléter sur le rôle de la Chine dans les relations internationales, et notamment dans sa capacité à allouer des prêts ou à investir dans des projets à l’étranger, comme dans le projet des nouvelles routes de la soie

Perte de confiance de la communauté internationale

Pourtant, la ligne de Pékin pourrait se révéler à double tranchant, voire être contre-productive en termes de résultat. « Cette diplomatie agressive a plutôt eu tendance à dégrader l’image de la Chine à l’international plutôt qu’à développer son influence. On peut constater une croissance de la méfiance, voire une perte de la confiance de la communauté internationale envers la Chine », observe Marc Julienne. La montée des tensions sino-américaines, le changement de ton des pays européens ou encore la multiplication de critiques ouvertes sont autant de signes indicateurs d’une crispation croissante autour de la diplomatie chinoise. « L’effort de propagande chinois a été sapé par plusieurs facteurs. Parmi eux, la découverte de produits défectueux au sein du matériel médical en provenance de Chine ; la médiatisation d’un racisme antiafricain en Chine qui a miné les relations avec certains gouvernements ; des campagnes de désinformation dénoncées ou encore des dignitaires chinois qui profèrent des menaces contre des pays comme la Suède ou l’Australie… » note Sarah Cook.

Cette diplomatie agressive a plutôt eu tendance à dégrader l’image de la Chine à l’international plutôt qu’à développer son influence. On peut constater une croissance de la méfiance, voire une perte de la confiance de la communauté internationale envers la Chine

L’accélération de la dégradation des relations sino-américaines d’un côté et sino-européennes de l’autre pourrait ainsi encourager une reconfiguration des relations internationales, notamment commerciales. « La rivalité stratégique avec la Chine est déjà très conscientisée à Washington et dans les débats stratégiques. Depuis plusieurs années, la Chine constitue un adversaire et un concurrent, peut-être plus que la Russie depuis quelques années. Les Européens ont, eux, plus de retenue : on ne considère ni la Russie ni la Chine comme un adversaire. Il y a pourtant clairement une prise de conscience qui émerge sur le fait que la Chine est un partenaire à risque, ou, pour reprendre les termes de la Commission européenne dans un rapport qui date de mars 2019 : la Chine est un partenaire, un concurrent et un rival systémique », remarque Marc Julienne. La crise de la Covid-19 a donc alimenté une accélération de tendances préexistantes, qu’il s’agisse de la ligne diplomatique chinoise ou des relations à l’international. Elle aura également nourri une prise de conscience de l’interdépendance avec l’économie chinoise et de la nécessité d’une diversification de la chaîne de production internationale. Autant d’évolutions qui, à terme, joueront contre les tentatives actuelles d’une économie chinoise forte de ses assises internationales.

 

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Marc JULIENNE

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Directeur du Centre Asie de l'Ifri