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Si l’issue de la guerre d’Ukraine entre Kyiv, Moscou et Minsk demeure incertaine, il est d’ores et déjà possible d’observer ses conséquences sur un théâtre régional, celui de la Baltique. L’énumération des pays riverains rappelle l’importance stratégique de cette région : la Russie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, l’Allemagne, le Danemark, la Suède et la Finlande. Pour Moscou, cette mer relie la Russie à l’Europe avec Saint-Pétersbourg et Kaliningrad comme points de contact. 

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Thomas Gomart, Ifri
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À la suite de l’agression russe, Stockholm et Helsinki ont renoncé à leur neutralité pour rejoindre l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), ce qui conduit certains à présenter désormais la Baltique comme un lac « otanien ».

Les choses restent évidemment plus complexes. Sur le plan énergétique, cette zone était au cœur de la relation gazière entre la Russie et l’Union européenne jusqu’à l’explosion du gazoduc North Stream, qui reliait la Russie à l’Allemagne, en septembre 2022. En octobre 2023, le gazoduc entre la Finlande et l’Estonie était endommagé par un bateau chinois. Ces épisodes rappellent aux pays riverains que leur vulnérabilité n’est pas simplement militaire. Sur le plan stratégique, il est néanmoins évident que la posture de l’OTAN se trouve renforcée. Régime parlementaire, la Finlande dispose de forces armées assises sur la conscription. Elle dépense plus de 2 % de son produit intérieur brut (PIB) pour sa défense. Monarchie parlementaire, la Suède dispose d’une petite armée professionnelle qu’elle cherche à faire remonter en puissance. Elle consacre 1,2 % de son PIB à la défense mais bénéficie d’une base industrielle de défense très performante, en particulier dans les domaines naval et aéronautique. Elle réactive des dispositifs de défense civile depuis 2014. 

Dans la région, ce sont les pays baltes et la Pologne qui produisent l’effort de réarmement le plus significatif. Varsovie consacre désormais plus de 3 % de son PIB à sa défense et s’équipe notamment en Corée du Sud pour ses armes lourdes. L’Allemagne, quant à elle, va déployer une brigade d’ici 2027 en Lituanie.

Puissance nucléaire, la Russie pèse toujours lourd en Baltique, même si une partie de sa flotte a rejoint la mer Noire avant l’offensive de février 2022. Les pays de l’OTAN s’inquiètent d’éventuelles opérations amphibies sur des îles ou de sabotage sur des infrastructures critiques. Moscou s’appuie sur des forces navales limitées, tout en ayant pris soin de renforcer son dispositif à Kaliningrad. 

Une des inconnues réside précisément dans l’ordre de bataille russe dans ce bastion, distant de 85 kilomètres de la Biélorussie, pays satellite de Moscou. Ce segment terrestre entre la Pologne et la Lituanie, le corridor de Suwałki, représente un enjeu hautement stratégique dans la mesure où les pays Baltes redoutent de voir les troupes russes s’y engouffrer pour les envahir. Il est considéré depuis longtemps comme le talon d’Achille de l’OTAN, qui a pourtant intensifié sa présence après l’annexion de la Crimée en 2014.

Un pays comme la France réinvestit cet espace dans ce cadre, en conduisant des activités de vigilance accrue sur terre, en mer et dans les airs. Depuis 2014, elle contribue à un groupement tactique basé en Estonie sous commandement britannique. Parallèlement, elle soutient des troupes en Roumanie, projetées après 2022. Limitées en nombre, les forces déployées participent à la préparation opérationnelle et au signalement stratégique. Cette évolution conduit à rappeler le rôle clé de Paris en Europe centrale et orientale durant l’entre-deux-guerres. Paris s’est progressivement détourné de cet espace pendant la Guerre froide, puis après la chute de l’URSS. 

Le modèle d’armée professionnelle s’est construit dans une logique expéditionnaire. Pour dire les choses simplement, l’Afrique et la Méditerranée étaient prioritaires. Ce ne peut plus être le cas aujourd’hui compte tenu, d’une part, de la vigueur de la menace russe et, d’autre part, du reflux de l’influence militaire française en Afrique. Comme le souligne un récent rapport : « Longtemps, Paris a mené une politique accommodante vis-à-vis de Moscou qui négligeait les préoccupations politiques et stratégiques de ses alliés centre-européens1. » La guerre d’Ukraine et son système d’alliance l’obligent à intégrer les effets de bord entre la mer Noire et la mer Baltique.

1 Sur ce sujet, Élie Tenenbaum avec la collaboration d’Amélie Zima, « Retour à l’Est : la France, la menace russe et la défense du “Flanc Est” de l’Europe », Focus stratégique, n° 119, Institut français des relations internationales, juin 2024, p. 11.

 

>Lire la chronique sur le site de la revue Études

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Thomas GOMART

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