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Niger : la France maintient une position ferme envers la junte, au risque de la confrontation

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cité par Philippe Ricard et Elise Vincent dans

  Le Monde
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Emmanuel Macron défend coûte que coûte la présence française dans un pays au cœur de son dispositif militaire en Afrique. Il mise sur les dissensions au sein des putschistes, mais sa position pourrait vite devenir intenable si les militaires se maintiennent au pouvoir.

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Le coup d’Etat au Niger, dévastateur pour l’engagement de la France au Sahel, pèse sur la rentrée diplomatique d’Emmanuel Macron. Cet été, le chef de l’Etat a été contraint de suivre au fil des jours les rebondissements suscités par le coup de force militaire mené le 26 juillet contre l’un des plus proches alliés de Paris sur le continent africain, le président Mohamed Bazoum, séquestré depuis avec sa famille. Tandis que les putschistes nigériens accentuent leur pression sur Paris, M. Macron a tenté, lundi 28 août, à l’ouverture de la 29e conférence des ambassadeurs français à l’Elysée, de défendre coûte que coûte la présence de la France dans un pays au cœur de son dispositif militaire en Afrique, sans rien abandonner de la fermeté affichée depuis le putsch, quitte à braquer le nouveau régime.

« La faiblesse que d’aucuns ont montrée à l’égard des putschs précédents a nourri des vocations régionales. Il y a une épidémie de putschs dans tout le Sahel », a affirmé le président français, en référence aux coups d’Etat militaires successifs survenus depuis trois ans au Mali, au Burkina Faso, en Guinée puis au Niger. Une façon de montrer que la France continue d’espérer le retour du président Bazoum aux affaires à Niamey et entend maintenir sa présence dans le pays, contre l’avis de la junte au pouvoir. Au Niger, « notre politique est simple, a-t-il ajouté. On ne reconnaît pas les putschistes, on soutient un président qui n’a pas démissionné, aux côtés duquel nous restons engagés. Et nous soutenons une solution diplomatique, ou militaire quand elle le décidera, de la Cedeao [Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest] ».

Sylvain Itté, l’ambassadeur de France au Niger, sommé vendredi par la junte de quitter le pays, était l’un des rares absents du rendez-vous de rentrée des ambassadeurs français, réunis à Paris pour trois jours. Emmanuel Macron a tenu à saluer son travail à Niamey. Pour les autorités françaises, il n’est pas question que M. Itté revienne à Paris dans ces conditions. « Je pense que notre politique est la bonne. Elle repose sur le courage du président Bazoum, sur l’engagement de notre ambassadeur sur le terrain, qui reste malgré les pressions, malgré toutes les déclarations d’autorités illégitimes », a insisté le président de la République.

Depuis le coup d’Etat, Emmanuel Macron et son entourage considèrent que la situation au Niger n’est pas semblable à celle qu’ils ont dû affronter au Mali et au Burkina Faso, deux Etats dont la France s’est retirée après les putschs menés contre des présidents élus.

« La position de la France vis-à-vis de la junte nigérienne a été d’emblée plus ferme que celle qui avait été adoptée initialement au Mali, lors du premier coup d’Etat en 2020, puis au Burkina Faso en janvier 2022. Alors que dans les deux précédents cas, Paris s’était donné une chance de travailler avec les putschistes, au Niger, les relations se sont tendues en seulement quelques jours », résume Elie Tenenbaum, directeur du Centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales.


« Alors que les Etats-Unis sont restés plus en retrait dans leur dénonciation de la junte – et ne parlent pas formellement de “coup d’Etat” –, le rejet de la France par les nouvelles autorités nigériennes est aussi le résultat de cette approche différenciée », ajoute le chercheur.


La fermeture des bases françaises n’est pas à l’ordre du jour

A ce jour, il n’est pas question, vu de Paris, de fermer les bases militaires françaises au Niger, bien que la junte ait dénoncé début août les accords militaires signés avec la France, et instrumentalise le sentiment antifrançais d’une partie de l’opinion publique. « Il ne faut pas céder à un narratif utilisé par les putschistes qui consisterait à dire “notre ennemi est devenu la France” », a prévenu M. Macron.

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La prudence des autres Etats européens

Cependant, plus l’intervention militaire de la Cedeao se fait attendre, plus la position de Paris semble intenable. Si les Etats-Unis et les Etats européens partagent le souci d’un « retour à l’ordre constitutionnel », ils se sont gardés d’afficher des positions aussi fermes que celles de la France depuis la fin juillet. « Certaines capitales considèrent qu’il faut faire le dos rond pour ne pas provoquer le régime », observe un diplomate européen.

A Bruxelles, plusieurs pays, à commencer par l’Allemagne ou la Suède, mettent en avant les risques d’une éventuelle intervention militaire des pays de la région, et considèrent avec réserve la demande de soutien financier formulée par la Cedeao auprès des instances de l’Union européenne. La prudence des capitales européennes suscite d’ailleurs, selon ce diplomate, une « certaine amertume » parmi les responsables français.

La sérénité n’est pas non plus totale à Paris. Au cours de l’été, l’état-major des armées a retiré une quarantaine de soldats qui étaient basés à Arlit, dans le nord du Niger, afin de protéger les personnels – évacués entre-temps – du site d’extraction d’uranium exploité par le groupe français Orano. Les soldats français ont transité par le Tchad voisin, un pays où la France dispose de plus de 1 500 hommes et qui apparaît aujourd’hui comme l’une des dernières bases de repli possibles.

« La position de la France paraît difficilement tenable, estime M. Tenenbaum. Il est compliqué de se maintenir contre la volonté d’autorités qui, même si elles sont illégitimes du point de vue du droit, sont celles qui exercent le pouvoir de fait. Même si le président Mohamed Bazoum reste légitime aux yeux de la communauté internationale, sa situation s’est dégradée au cours de l’été. Aujourd’hui, soit la France se maintient par la force et prend le risque de la confrontation, soit elle se retire. Mais l’idée de se maintenir pour pérenniser une présence coûte que coûte est fragile. »

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Élie TENENBAUM

Élie TENENBAUM

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Directeur du Centre des études de sécurité de l'Ifri

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