Mutinerie de Wagner, le début de la fin pour Poutine ?
Que s'est-il passé ce week-end en Russie ? Les troupes du groupe paramilitaire Wagner se sont rebellées contre le pouvoir russe. Un convoi s'est approché de Moscou avant que leur chef Evgueni Prigojine ne décide de faire demi-tour. Alors, coup d'État raté ? Quelles étaient les motivations des mercenaires ? Poutine sort-il affaibli de cette crise ? Éléments de réponse avec Dimitri Minic de l'IFRI.
Que s’est-il passé ce week-end entre Wagner et le pouvoir russe ?
Pour Dimitri Minic, « Wagner a tenté "un coup de force", ce qui ne nous dit rien des motivations réelles de ce coup de force : s’agit-il d’une mutinerie ? Dans ce cas, on ne voit pas pourquoi Prigojine a voulu aller jusqu’à Moscou. Est-ce que c’est une mutinerie qui a dégénérée en coup d’État ? Est-ce que c’est une volonté de renverser le pouvoir russe depuis le début ? C’est très difficile de le dire. Cette idée a pu lui venir au fur et à mesure de son excursion réussie dans le territoire russe. » […]
« C’est un événement complexe et l’histoire dira ce que Prigojine a vraiment voulu faire. Pour l’instant on est dans le moment des discours et des narratifs. Prigojine a repris la parole hier, il cherche à justifier son action et à préserver son image. Il prétend avoir arrêté cette tentative de putsch pour "éviter de verser le sang russe". Ce qui est sûr, c’est que la force de Wagner en elle-même va être disloquée : une partie est autorisée à rejoindre Prigojine en Biélorussie, l’autre partie est invitée à signer un contrat avec le ministère de la Défense, la dernière à faire ce qu’elle veut. », avance le chercheur.
Pour Dimitri Minic, « Poutine a été incapable de maintenir l’ordre. La capacité de contrôle de l’armée russe est constamment projeté par le pouvoir lui-même, on voit que c’est en réalité une coquille vide. Wagner s’est présenté comme un bras armé ultra fidèle au pouvoir, mais qui aurait perçu une trahison par le pouvoir central envers les soldats russes, l’armée russe, Wagner lui-même. Il ne faut donc pas limiter cette opération à une guerre de gang. Prigojine a porté un discours politique. » [...]
S’agissait-il d’une « maskirovka », d’une vaste duperie ?
« Rien n’étaye ce type de scénario. Le sous-entendu de tout cela est que Poutine est à la manœuvre : mais quel intérêt avait-il à s’humilier ? Il n’est même pas certain que ses services de renseignement étaient au courant de l’opération. En même temps, même s’il avait été prévenu, il aurait été compliqué que le Kremlin prenne des mesures officiellement avant même que cela se passe : quelle image aurait-il renvoyé s’il avait agi de tel ? », avance le chercheur. [...]
Et maintenant que va-t-il se passer pour Prigojine, pour Wagner ?
Pour Dimitri Minic, « Prigojine reste une force potentielle de nuisance. En arrêtant son coup de force, il préserve en même temps son image et continue à s’exprimer. Les deux protagonistes principaux de cette histoire utilisent tous les deux le même argument, qu’ils ont voulu épargner le sang russe. Mais aucun des deux ne cite l’autre. On est dans une phase où Prigojine comme Poutine se disent vainqueur. Prigojine va peut-être récupérer une partie de Wagner. Pour Loukachenko, c’est assez étonnant, puisqu’en fait c’est un levier de pression potentiel contre Poutine, contre la Russie. Que ce soit le cas ou pas, cette perception existera à Moscou. »
« Poutine a vraiment pris cela comme un atteinte à sa capacité de pouvoir et de contrôle. Il sort affaibli de cette séquence, bien qu’il soit affaibli depuis le 24 février car il s’est trompé et a beaucoup exigé des élites. Celles-ci se rendent compte que leur soutien est de plus en plus de coûteux. Au moment du coup de force de Prigojine, les élites ont pris peur. Elles se demandent aujourd'hui si ce n’est pas plus coûteux de soutenir Poutine plutôt que quelqu'un de plus raisonnable. »
> Visionner l'interview dans son intégralité sur la chaîne Youtube de Blast
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