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Mort du numéro 2 du Hamas à Beyrouth : « Israël prend le risque d'une escalade avec le Hezbollah »

Interventions médiatiques |

inrerviewée par

  Jeanne Durieux
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ENTRETIEN - La mort du numéro deux du Hamas à Beyrouth marque une nouvelle étape dans le conflit, alors que l’État hébreu renoue avec la politique d’assassinats ciblés, analyse la chercheur Amélie Férey.

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Saleh Al-Arouri
Saleh Al-Arouri
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Amélie Férey est chercheuse en Science politique et en Relations internationales à l'Institut français des relations internationales (IFRI). Ses travaux portent notamment sur le conflit israélo-palestinien.

LE FIGARO. - Saleh Al Arouri, haut membre du Hamas, a été tué le 2 janvier à Beyrouth, dans un quartier considéré comme un fief du Hezbollah. Quel rôle jouait-il au sein de l’organisation terroriste palestinienne?

Amélie FEREY. - Saleh Al Arouri était le numéro deux du bureau politique du mouvement. Il était pressenti pour prendre la suite du chef du mouvement, Ismaïl Haniyeh. Il était en compétition avec Yahya Sinwar, chef du bureau militaire du Hamas dans la bande de Gaza et cerveau présumé de l’attaque du 7 octobre. C’était un personnage clé dans l'équilibre du pouvoir du Hamas, divisé entre le bureau politique du mouvement qui se trouve au Liban et dans le Golfe, et sa branche militaire à Gaza. C’était aussi un artisan du front uni, qui avait œuvré aux réconciliations successives entre le Hamas et le Fatah. Il défendait l’union entre les Palestiniens d’Israël et ceux de Cisjordanie. Il jouait également un rôle clé dans la construction de l’axe de la «résistance» entre le mouvement islamiste chiite du Hezbollah, les milices en Irak et en Syrie et les Houthis au Yémen. Il avait également un rôle essentiel dans la négociation des otages avec Israël.

Qu’est-ce que cette attaque dit de la stratégie d’Israël ?

Israël affiche clairement depuis maintenant trois mois sa volonté d’éradiquer entièrement le mouvement palestinien, et pas seulement sa branche militaire dans l’enclave gazaouie. L’attaque à Beyrouth d’une des têtes pensantes du bureau politique du Hamas s’inscrit dans cette logique. Israël renoue également avec la politique d’assassinat ciblé, qu’il ne parvient pas à appliquer dans Gaza. L’État hébreu peine à localiser les dirigeants du Hamas dans l’enclave palestinienne, qui se cachent dans les tunnels, et craint également de frapper des otages. Au Liban, Saleh Al Arouri était plus facilement atteignable par les drones israéliens, en dépit du système de défense anti-aérienne déployé sur la zone (Ndlr : il aurait en réalité été ciblé par des missiles guidés tirés par un avion de chasse, selon un haut responsable de sécurité libanais contacté par l’AFP).

Derrière cet assassinat transparaît aussi la volonté israélienne d'avoir une image victorieuse, alors que peu de grandes figures militaires du mouvement du Hamas sont tombées sous les balles d'Israël jusqu'à présent. Yahya Sinwar, Ismaël Haniyeh ou Mohammed Deïf sont encore en vie. En outre, les ministres d’extrême droite du gouvernement israélien comme Itamar Ben Gvir (ministre de la Défense nationale) et Bezalel Smotrich (le ministre des Finances) ont prévenu Benyamin Nétanyahou qu’ils quitteraient le gouvernement si Israël négociait avec le Hamas. Ils considèrent que le «nettoyage ethnique» de Gaza vaut la peine de sacrifier les otages restants. Nétanyahou, de son côté, n’a pas envie d’une fin prochaine de la guerre, car cela marquerait la venue de nouvelles élections en Israël qui pourraient lui être fatales, en raison notamment de son incapacité à avoir prévenu les attaques du 7 octobre. Tuer Saleh Al Arouri, c'est d'abord un symbole de victoire pour le gouvernement.

Pourtant, Tsahal, qui s’est dit dans un «haut niveau de préparation pour n'importe quel scénario », n’a pas revendiqué ouvertement cette frappe...

L’État hébreu n’a en effet ni confirmé ni infirmé sa responsabilité dans la mort de Saleh Al-Arouri. Israël laisse une marge de manœuvre politique au Hezbollah, et le laisse libre ou non de répliquer. L’État prend cependant le risque d’une escalade avec le mouvement islamiste, en rupture avec la dynamique observée depuis le début de la guerre. Au début du conflit, l’ouverture d’un front dans le Nord était un scénario noir pour l’État hébreu, qui devait se concentrer sur Gaza. Maintenant que Tsahal a conduit d’importants raids sur la bande gazaouie, jusqu’à détruire une grande partie de l’enclave palestinienne, l’armée israélienne est désormais prête à redéployer ses forces dans le nord du pays, en cas d’ouverture d’un front avec le Liban, dans l’optique de frappes plus ciblées par exemple. En outre, la population israélienne au Nord, sous le feu des roquettes du Hezbollah, redoute un autre 7 octobre, et ce d'autant que le Hezbollah dispose lui aussi de son propre réseau de tunnels. Un conflit ouvert avec le Hezbollah permettrait de réduire le niveau de menace pesant sur ces citoyens israéliens.

Le Hezbollah pourrait-il répliquer ?

Le mouvement islamiste libanais a l'air plutôt réticent à ouvrir un front avec Israël. Il a lancé quelques roquettes depuis le début de la guerre, mais sans vider son arsenal. Dans les faits, le conflit serait asymétrique et ne sonnerait pas forcément sa défaite militaire. Mais il aurait un coût important pour l'organisation et pour la population civile libanaise. Hassan Nasrallah, le dirigeant politique du mouvement, qui doit prononcer un discours ce mercredi après-midi, dira probablement qu'Israël doit payer, sans donner plus de détails sur une prochaine offensive. Le Hezbollah ne sera peut-être pas prêt à risquer sa survie militaire et son pouvoir politique pour la mort d'un membre du Hamas.

 

> Lire l'interview sur le site du Figaro

 

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Amélie FÉREY

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