Migrations : pourquoi l’affaire des barbelés «peut marquer un tournant» au sein de l’UE
Une coalition inédite de douze pays a écrit à la Commission européenne pour demander le financement de ces constructions. L’Europe est plus divisée que jamais sur la question migratoire.
Depuis cet été, des milliers de migrants, pour la plupart originaires du Moyen-Orient, ont traversé ou tenté de traverser la frontière polonaise depuis la Biélorussie. Parler de « vague » migratoire serait excessif : celle-ci n’a rien à voir avec l’exode de Syriens que l’Europe a connu en 2015. Mais aux yeux de la Pologne, elle représente un motif d’inquiétude suffisamment important pour envoyer à sa frontière 10 000 soldats en renfort, imposer l’état d’urgence et envisager la construction d’un mur. Le pays voisin, la Lituanie, a déjà commencé le travail.
Ils sont loin de faire figure d’exception : le 7 octobre, les ministres de l’Intérieur de douze États (Autriche, Bulgarie, Chypre, Danemark, Estonie, Grèce, Hongrie, Lituanie, Lettonie, Pologne, République tchèque, et Slovaquie) ont écrit à la Commission pour demander le financement de clôtures de barbelés.
Une coalition inédite, révélatrice de la profonde division de l’UE sur la question migratoire. « C’est un moment politique intéressant, s’étonne Olivier de France, chercheur à l’Iris et auteur de « La géopolitique de l’Europe » (éd. Eyrolles). Il y a une convergence de facteurs géographique, avec les pays du pourtour européen en première ligne, et politique, avec l’Autriche ou la Hongrie par exemple, défavorables à la migration ».
Vendredi dernier, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen a répondu que l’Union européenne ne financerait pas « de barbelés et de murs » aux frontières. L’Allemagne fait tampon. Si elle ne fait pas partie des signataires, elle juge « légitime » la volonté de protéger ses frontières.
Emmanuel Macron, lui, joue sa fameuse partition du « en même temps » : « Chaque pays tente de protéger les frontières extérieures de l’UE et les siennes de la manière qu’il entend. Il y a une part de souveraineté nationale que je respecte, mais nous ne devons jamais oublier les principes qui sont les nôtres », a-t-il déclaré, quand d’autres chefs d’État arguent des « mesures de protection » nécessaires.
Il faut dire que la position de la France, qui va présider l’UE pendant six mois à partir du 1er janvier, est délicate. « Le président avait lui-même dit que l’espace Schengen ne fonctionnait pas, ni le règlement de Dublin (qui oblige les réfugiés à faire leur demande d’asile dans le pays d’entrée en Europe), rappelle le politologue Patrick Martin-Genier, spécialiste des questions européennes. La France partage le principe de protection de ses frontières, mais la grande difficulté de Macron sera d’avoir une approche européenne sur la question migratoire. »
Et cette approche semble bien minoritaire : même en Grèce ou en Italie, pays exposés à l’arrivée de migrants, la logique nationale prend le dessus. L’affaire des barbelés « peut marquer un tournant », estime Matthieu Tardis, chercheur au centre migrations à l’Ifri (Institut français des relations internationales).
Car si l’UE était déjà divisée sur la question migratoire, « la coalition en faveur de la construction de murs est cette fois beaucoup plus large que le groupe de Visegrád », à savoir la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie, club de « refuzniks » qui s’oppose aux décisions de Bruxelles.
« Pour les anciennes générations, les barbelés, c’est le mur de Berlin »
Selon Matthieu Tardis, il faut sortir du cliché de la division est/ouest :
- « Dans cette demande de financement il y a la Grèce, dont le positionnement est lié au nouveau gouvernement, beaucoup plus conservateur. Le Danemark aussi, qui a envoyé des barbelés en Pologne. Les pays baltes étaient auparavant plutôt neutres. C’est une question qui divise toutes les sociétés européennes, y compris en France où les débats sont très polarisés. La disproportion de la réponse de ces pays européens interroge. »
En Hongrie et en Pologne, le message est plutôt limpide. « Ils considèrent que l’UE n’est pas en situation de protéger les frontières malgré le budget important voté pour Frontex (agence européenne de garde-côtes et gardes-frontières). Ils sont dans une optique antieuropéenne, nationaliste et populiste », affirme Patrick Martin-Genier. Quitte à violer la convention de Genève sur les réfugiés et le principe de non-refoulement.
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