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Merkel victorieuse mais sonnée par la gifle infligée par les populistes de l'AfD

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  Sabine Syfuss-Arnaud
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C'est la gueule de bois en Allemagne. Les résultats des législatives du 24 septembre confirment ce que les sondages récents annonçaient : une montée des extrêmes et un émiettement des voix sur l'échiquier politique. Une claque pour les deux grands partis. Avec 33% des votes, les conservateurs sont arrivés premiers. Angela Merkel va former un gouvernement de coalition, pour entamer son 4è mandat. 

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"Les fantômes du passé sont de retour", titre le grand hebdomadaire Spiegel, ce 25 septembre, lendemain de législatives qui actent l'entrée de l'extrême droite (AfD) au Bundestag. L'Allemagne s'est réveillée avec la gueule de bois. Le vote d'hier a confirmé la montée des extrêmes et l'émiettement des voix sur l'échiquier politique. Le quotidien die Welt y voit "une victoire de la campagne basée sur la peur de l'immigration". Un des commentateur de " Das Erste ", la 1ere chaîne de télévision allemande, parle d'effet " tectonique " dans la vie politique allemande.

L'AfD premier parti chez les hommes en ex-RDA

De fait, si le parti d'Angela Merkel (CDU-CSU) a gagné avec 33% des voix, il a perdu 7,3 points par rapport à 2013. Pis pour le parti social-démocrate (SPD), le plus vieux d'Allemagne. Il a été littéralement laminé, perdant 5,5 points par rapport aux dernières législatives, et recueillant à peine 20% des voix, soit 7 points d'avance seulement sur l'AfD, le troisième parti, dont les thèses libérales, anti-réfugiés et anti-euro ont fait mouche. A l'Est, le parti est même le premier parti chez les hommes.

Comment expliquer cette claque des électeurs aux deux grandes formations ? A cause de la politique d'accueil des réfugiés, que les deux ont soutenue ? Par lassitude de la grande coalition qu'ils ont formée pour régir le pays pendant deux mandats, soit 8 années ? Un diplomate allemand glisse " ils ont gouverné ensemble, ça a été difficile pour eux de se critiquer mutuellement pendant la campagne. Résultat ils ont présenté des positions et programmes trop proches et consensuels. " Chercheuse à l'Ifri et spécialiste des relations franco-allemandes, Barbara Kunz avance deux autres raisons complémentaires : " certains de ceux qui pensaient qu'Angela Merkel allait gagner ont estimé que les jeux étaient fait et ne se sont pas déplacés, et, à l'inverse, les extrêmes ont beaucoup mobilisé, en particulier chez les  abstentionnistes. " Les sondages à la sortie des urnes montrent que les électeurs de l'AfD avaient choisi en 2013 pour 21% la CDU, pour 10% le SPD et pour 35%... l'abstention.

"Rébellion dans l'isoloir"

Pourquoi les populistes d'Alternative für Deutschland ont-ils autant capitalisé ? Pourquoi y a-t-il eu une "rébellion dans l'isoloir', comme l'écrit la bible des affaires Handelsblatt ? "Pendant la campagne beaucoup d'Allemands ne sont senti ni entendus, ni compris, décrypte le psychologue Stephan Grünewald, dirigeant de l'institut d'opinion Rheingold, qui vient de mener une enquête sur le moral des électeurs. Beaucoup sont désorientés, incertains et insatisfaits. Pour eux, le thème majeur qu'est la crise des réfugiés a été escamoté par la politique". Mais, selon l'expert, ce n'est pas leur seul sujet de frustration. "Un sentiment diffus de malaise croît dans le pays. Malgré sa réussite économique, l'Allemagne est vue comme un pays à l'abandon, avec des écoles et des autoroutes défoncées, des zones de non droit, des injustices sociales et des accords secrets entre la politique et l'industrie…".

Né il y a quatre ans à peine, l'AfD a très vite agrégé les mécontents, les perdants de la mondialisation, les inquiets de la " culture de bienvenue " de la chancelière, et a multiplié les succès électoraux depuis deux ans. Le plus spectaculaire, avant celui des législatives d'hier : celui réalisé il y a un an, le 4 septembre 2016, lors de l'élection régionale dans le petit Land de Mecklembourg-Poméranie-Antérieure, dans l'est du pays. Non seulement il est arrivé en deuxième position, dépassant les 20% des voix pour la deuxième fois de son histoire, mais il a battu le parti conservateur (CDU) de la chancelière, dans la circonscription même où Angela Merkel est députée depuis 1990. Un séisme à l'époque pour la patronne de l'Allemagne, que la presse avait qualifié de "Debakel" (débâcle), "Desaster" (désastre) et "Merkel-Dämmerung" (crépuscule). Ce 25 septembre, ce n'est pas le crépuscule, mais sûrement une mise en garde pour Angela Merkel.

20% des voix pour l'extrême droite et l'extrême gauche réunies

Que va-t-il se passer dans les prochaines semaines ? La gagnante va tenter de former un gouvernement. Arithmétiquement, elle avait deux options : la grande coalition, mais le patron du SPD, candidat malheureux du vote, Martin Schulz, a d'emblée déclaré que c'était exclu. Il est donc passé dans l'opposition. Autre option : une coalition à trois couleurs, dite "Jamaïque", avec les noirs (conservateurs), les jaunes (libéraux) et les verts (écologistes).

L’AfD, avec laquelle la chancelière a assuré pendant la campagne qu’elle ne s’allierait pas, entre au Parlement. Si l’une de ses têtes de liste, Alexander Gauland, a déjà annoncé ce soir qu’ils allaient « chasser Angela Merkel », leur pouvoir de nuisance est limité. « Les institutions allemandes sont suffisamment solides, pointe Barbara Kunz. Ils feront parler d’eux évidemment, mais Ils seront marginalisés au Bundestag ». Ils devraient récolter 88 sièges sur 631. Autre point à nuancer: les extrêmes de droite et de gauche obtiennent à peine 20% des votes des Allemands. Au premier tour des présidentielles françaises, les votes Le Pen et Mélenchon réunissaient un peu plus de 40% des voix.

 

Voir l'article sur le site de Challenges

 

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Barbara KUNZ

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Ancienne chercheuse au Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l'Ifri