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Massacre des Alaouites en Syrie : « Il faut un miracle pour éviter la guerre civile », selon le chercheur Adel Bakawan

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interviewé par Anne-Laëticia Béraud pour

  20 Minutes
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Le chercheur spécialiste du Moyen Orient Adel Bakawan revient sur les affrontements sanglants entre les partisans alaouites de l’ancien dictateur Bachar Al-Assad et ceux du nouveau régime.

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Le sociologue franco-irakien Adel Bakawan, en mars 2021.
Le sociologue franco-irakien Adel Bakawan, en mars 2021.
Anatha Bakawan
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La Syrie du président par intérim Ahmed Al-Chareh résistera-t-elle à la spirale de la violence ? Près de 1.500 personnes sont mortes dans des violences opposant des partisans du président déchu Bachar Al-Assad aux forces de sécurité du nouveau régime depuis le 6 mars. Une grande partie des victimes appartient à la minorité alaouite, branche de l’islam chiite dont est issu le clan Assad.

Depuis son arrivée à la tête de la Syrie, il y a trois mois, Ahmed Al-Chareh promet une transition pacifique, tentant de reconstruire économiquement le pays, et assurer sa sécurité. Mais le pays, exsangue après 13 ans de guerre civile, risque de basculer à nouveau dans la guerre civile. Le point avec Adel Bakawan, chercheur associé au Programme Turquie/Moyen Orient de l’Institut français des relations internationales (Ifri) et directeur de l’Institut européen d’études sur le Moyen Orient et l’Afrique du nord (Eismena).

Comment qualifiez-vous la flambée de violences meurtrières dans l’ouest de la Syrie depuis le 6 mars ?

C’est un massacre qui implique plusieurs acteurs. Vous avez l’armée d’Ahmed Al-Chareh, autrefois affilié à l’Etat islamique et à Al-Qaida, et qui a pris de la distance avec le djihadisme international pour devenir un djihadiste national syrien. Il a, sous sa direction, des combattants ultra-radicaux, de différentes nationalités, avec des Russes, des Arabes, mais aussi des Européens, dont des Français.

L’Armée nationale syrienne est la deuxième composante engagée dans ce massacre. Elle est sous les ordres de la Turquie, pays qui finance, accompagne et oriente. Ces combattants sont assoiffés de vengeance contre la minorité alaouite, considérée comme responsable historique de tous les crimes commis par la famille d’Assad.

Du côté des Alaouites, vous vous trouvez avec des anciens du régime, des sympathisants et des combattants de Bachar Al-Assad, mais pas seulement. C’une énorme erreur de penser que tous les Alaouites sont pro-Assad. Enfin, dans ce massacre, n’oublions pas la toile de fond. La Syrie vit la misère. Depuis trois mois, personne n’est payé. Les Syriens, et notamment les Alaouites, souffrent de la famine, de la pauvreté et du chômage.

Le pouvoir syrien peut-il assurer la sécurité de la communauté alaouite, comme des autres minorités du pays ?

Derrière les discours d’Ahmed Al-Chareh pour protéger les minorités, il n’y a rien. Objectivement, il n’est pas en mesure d’assurer leur sécurité alors qu’elles sont perçues comme un cancer dont le corps social doit se purifier. Les fonctionnaires ne sont pas payés depuis trois mois, ces minorités comptent sur leurs propres forces pour assurer leur sécurité. Les forces kurdes disposent de 120.000 combattants, quand Al-Chareh compte sur 30.000 soldats. Les forces druzes ont leurs combattants dans le sud du pays. Quant à l’armée nationale syrienne, si elle a reconnu l’autorité d’Ahmed Al-Chareh, elle reste totalement indépendante. Vous avez aussi des tribus lourdement armées qui refusent d’intégrer l’armée d’Ahmed Al-Chareh.

Comment percevez-vous l’attitude de la communauté internationale, qui soutient le nouveau régime depuis trois mois ?

Avant ce massacre, la communauté internationale était très pressée d’aider le nouveau régime, malgré les nombreux défis techniques pour financer le pays. Mais depuis le 6 mars, je me pose la question si ce n’est pas la douche froide sur le processus de normalisation du nouveau régime. Les Etats-Unis comme l’ONU considèrent toujours que le HTC, dont est issu Ahmed Al-Chareh, est un groupe terroriste.

Quelle est la crédibilité du président par intérim Ahmed Al-Chareh ?

A sa prise de pouvoir, il y a eu beaucoup d’interrogations sur sa crédibilité. Depuis ce massacre, je crois qu’elle est profondément entachée, même si aucun pays ne l’accuse directement. Il faudrait être naïf pour penser que la communauté internationale ne le considère pas responsable de ces violences.

Quel est le risque d’une nouvelle guerre civile en Syrie ?

La Syrie a besoin d’un vrai miracle pour ne pas glisser dans la guerre civile. Le pouvoir n’a pas le monopole de la violence, il y a 500 organisations armées dans le pays qui est découpé en zones. Le nord est occupé en partie par la Turquie, le sud par Israël, et dans le Nord-Est, 25 % du territoire syrien est géré directement par les Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition à dominante kurde. La côte méditerranéenne est en révolte. Sans compter les autres acteurs régionaux qui agissent en Syrie. Dans cette situation, Il faudrait un miracle pour éviter la guerre civile en Syrie.

 

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Anne-Laëticia Béraud

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Adel BAKAWAN

Intitulé du poste

Chercheur associé, Programme Turquie/Moyen-Orient de l'Ifri

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Le sociologue franco-irakien Adel Bakawan, en mars 2021.
Anatha Bakawan