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Malgré la guerre, l’indéfectible stabilité au sommet du pouvoir russe

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citée par Benoît Vitkine dans

  Le Monde
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La garde rapprochée de Vladimir Poutine est restée inchangée et aucune défection d’ampleur n’a été enregistrée, y compris dans les rangs de l’armée et des services de sécurité.

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Le président russe Vladimir Poutine, Moscou, 24 août 2023
Le président russe Vladimir Poutine, Moscou, 24 août 2023
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Le 21 février 2022, à l’abri des murailles du Kremlin, Vladimir Poutine réunit son Conseil de sécurité. À l’ordre du jour : la reconnaissance par Moscou de l’indépendance des « républiques » autoproclamées du Donbass. Le point de départ de l’invasion de l’Ukraine, trois jours plus tard.

Ce soir-là, c’est tout le sommet de l’État russe qui a pris place face au président : chefs des services de renseignement, hauts gradés, premier ministre et titulaires des ministères régaliens, présidents des assemblées… Vingt-trois hommes et une femme, la présidente du Conseil de la Fédération, Valentina Matvienko, qui constituent sa garde rapprochée et qui, tous ensemble, font un grand saut dans l’inconnu.

Deux ans plus tard, les participants à cette réunion décisive sont toujours en place. Malgré vingt-quatre mois de guerre qui ont mis le monde et la Russie sens dessus dessous, aucun n’a été écarté, aucun visage n’a disparu des photos officielles, comme cela se pratiquait sous Staline ; aucun n’a même changé de poste.

Ce besoin de stabilité est une constante du règne de Vladimir Poutine, au pouvoir depuis 2000. « Déjà, avant la guerre, les changements au sein de l’élite se résumaient à de simples jeux de chaises musicales », rappelle Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du centre Russie-Eurasie de l’Institut français des relations internationales.

 

Radicalisation des élites

Parmi les soixante plus hauts personnages de l’Etat, la moyenne d’âge est de 64 ans. La plupart de ses représentants ont été formés à l’époque soviétique, souvent au sein des services de sécurité. Sans compter ceux qui furent des compagnons de route de Vladimir Poutine, depuis les dojos de Saint-Pétersbourg jusqu’aux affaires commerciales menées en commun dans les années 1990. Le contraste est éclatant avec la génération des quadragénaires qui tient les manettes en Ukraine.

Cette remarquable stabilité est aussi le résultat de la cohésion affichée par l’élite elle-même. A l’exception d’Anatoli Tchoubaïs, nommé conseiller spécial de Vladimir Poutine en 2020 pour les questions climatiques et figure de l’aile libérale du régime, aucune défection d’ampleur n’a été enregistrée.

« Les personnalités qui sont aux postes de direction doivent tout à Poutine, et ont tout à perdre sans lui, poursuit Mme Kastouéva-Jean. La loyauté, et non la méritocratie, a toujours été le fondement de cette construction. Les sanctions ont renforcé cette cohésion : même les oligarques qui se sont démarqués n’ont pu obtenir leur levée de l’Occident. Résultat, ceux qui ont été choqués par la guerre, ou n’en voulaient pas, se sont résignés. »

 

Même ceux qui, durant cette réunion fatidique du 21 février 2022, avaient montré de l’hésitation, voire un embryon d’opposition, comme Sergueï Narychkine, chef depuis 2016 du SVR, le renseignement extérieur, ou Dmitri Kozak, l’un des plus influents conseillers du président depuis le début des années 2000, se sont maintenus. Ceux dont la loyauté – ou simplement le passif « libéral » – aurait pu être questionnée ont donné des gages en choisissant la surenchère, à l’image de l’ancien président (2008-2012) Dmitri Medvedev, transformé soudain en faucon adepte des menaces nucléaires.

Alors que le « parti de la guerre » était minoritaire au sein du premier cercle, début 2022, selon le politologue Kirill Rogov, l’engrenage du conflit, et notamment l’intensification du face-à-face avec l’Ouest, mais aussi de simples considérations de survie (politique) ont entraîné une consolidation et une radicalisation des élites.

Le constat vaut également pour l’élite économique. Les oligarques et les dirigeants des grands groupes d’Etat ont pour l’essentiel serré les rangs (même si sept milliardaires ont renoncé à leur citoyenneté russe).

C’est aux niveaux inférieurs – « souvent les cadres responsables des circuits offshore », note Tatiana Kastouéva-Jean – qu’ont eu lieu les principaux mouvements : démissions, exils, mais aussi une série de disparitions inexpliquées.

 

Echecs militaires à répétition

Reste que la guerre, mal préparée, puis nécessitant une réorganisation complète de l’économie, aurait pu s’accompagner d’une rotation des cadres. A plusieurs reprises, la direction russe a laissé voir les signes d’une certaine paralysie. Cela a par exemple été le cas face à la mutinerie du patron du Groupe Wagner, Evgueni Prigojine, en juin 2023, ou encore lorsque les régions frontalières de l’Ukraine ont vu brutalement le conflit revenir sur leur sol.

[...]
 

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Tatiana KASTOUÉVA-JEAN

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Directrice du Centre Russie/Eurasie de l'Ifri

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Le président russe Vladimir Poutine, Moscou, 24 août 2023
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