Dix ans après l’attentat de Charlie Hebdo, comment la menace terroriste a-t-elle évolué ?

« La menace est toujours très élevée. Neuf attentats ont été déjoués en France sur l’année 2024, d’après le ministère de l’Intérieur. Depuis l’attentat de Daech à Moscou en mars 2024, la France est au niveau maximal d’alerte terroriste. En 10 ans, l’intensité de la menace a quelque peu fluctué. Elle a notamment reculé en 2017 lorsque Daech a perdu le contrôle de son fief syro-irakien avant de remonter depuis 2022. »

« L’avènement d’internet et des réseaux sociaux ces dix dernières années a servi de catalyseur aux organisations terroristes internationales »

Quelle forme revêt cette menace ?

« Il y a trois formes de menaces. Tout d’abord terrorisme projeté : une organisation forme des combattants et les envoie frapper à l’étranger. Ensuite, le terrorisme téléguidé : un cadre d’une organisation, opérant à l’étranger, repère des individus sur le territoire national et les pousse à passer à l’acte. Enfin, le terrorisme d’inspiration, fruit de la propagande, qui ne nécessite pas de commanditaire, pas de lien opérationnel avec une organisation. L’avènement d’internet et des réseaux sociaux a permis aux groupes terroristes de recruter, de lever des fonds et de diffuser des orientations stratégiques ainsi que des conseils tactiques. »

Police, justice… La France s’est-elle musclée dans la lutte contre le terrorisme ?

« Sur le plan législatif, plusieurs lois adoptées ont notamment permis d’inscrire des mesures inspirées de l’état d’urgence (décrété en 2015) dans le droit commun, comme des assignations à résidence ou des perquisitions administratives. Côté sécurité, les services de renseignement DGSI/DGSE ont été considérablement renforcés sur les plans technique, financier et humain. La justice a vu la création du Parquet national antiterroriste (Pnat). Même l’armée, dans ses opérations, a pris pour cible la menace terroriste, que ce soit au Sahel avec l’opération Barkhane, au Levant avec Chammal et sur le sol français avec Sentinelle. Globalement, en 10 ans, la France, à travers ses institutions, s’est considérablement renforcée dans la lutte antiterroriste. »

Le système carcéral s’affaire-t-il à déradicaliser les terroristes condamnés ?

« La prison a été prise de court par l’ampleur du phénomène. Les critiques qu’il y avait sur la radicalisation en milieu carcéral étaient fondées et existaient déjà avant Daech. L’administration pénitentiaire a su se transformer en l’espace de 10 ans. Aujourd’hui, les individus incarcérés pour des faits liés au terrorisme passent sont évalués dans un Quartier d’évaluation de la radicalisation (QER) au sortir duquel ils sont orientés soit vers l’isolement pour les plus radicalisés -environ 10 %-, soit vers la détention ordinaire pour ceux qui ne présentent pas de risques particuliers ou enfin, entre les deux, dans un Quartier de prise en charge de la radicalisation (QPR) où des médiateurs, psychologues et travailleurs sociaux s’affairent à entamer un processus de sortie de la radicalisation. »

Un nouveau Charlie Hebdo pourrait-il avoir lieu demain ?

« Sans être trop catastrophiste, l’idéologie djihadiste est toujours là et des individus sont encore prêts à passer à l’acte. Les mesures de protection permettent de limiter les risques sans les éradiquer pour autant. Pour rappel, il y a eu une attaque à la machette devant les anciens locaux de Charlie Hebdo en 2020. »

« Les deux menaces terroristes principales sont le djihadisme et l’ultradroite »

L’islamisme est-il la seule menace terroriste qui pèse sur la France ?

« En France, les deux menaces terroristes principales sont le djihadisme et l’ultradroite. Le djihadisme est la plus virulente des deux, de loin, avec une cinquantaine d’attentats déjoués depuis 2017 contre une douzaine pour l’ultradroite. L’ultragauche compte un attentat déjoué. »

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Marc Hecker est l'auteur de Djihadisme et contre-terrorisme au XXIe siècle (Robert Laffont).

>Lire l'interview sur le site de DNA