L’Ukraine accentue son lobbying pour confisquer 300 milliards d’actifs russes
Des ONG ukrainiennes s’activent en Europe et aux Etats-Unis pour convaincre les dirigeants occidentaux de confisquer les 300 milliards d’euros d’actifs de la banque centrale russe, gelés depuis l’invasion de l’Ukraine. Mais elles font face à un fort scepticisme, notamment de la part des banques centrales.
Déterminée. Olena Halushka, cofondatrice de l’ONG International Centre for Ukraine Victory (ICUV), sillonne les pays européens pour porter sa cause : confisquer les 300 milliards de dollars d’actifs de la Banque centrale russe, gelés après l’invasion de l’Ukraine en février 2022.
Les 8 et 9 novembre, elle était à Paris avec deux autres dirigeants d’ONG ukrainiennes pour rencontrer notamment l’envoyé spécial d’Emmanuel Macron pour l’Ukraine, Pierre Heilbronn, le député Benjamin Haddad, président du groupe d’amitié France Ukraine, et des diplomates du Quai d’Orsay. « La Russie doit payer pour les dommages de son agression armée, estimés à plus de 400 milliards de dollars, lance Olena Halushka. Il faut absolument confisquer ces avoirs qui ne suffiront même pas à financer les réparations. »
Très organisée dans son lobbying, elle a coécrit un petit livret, distribué à ses interlocuteurs, qui légitime cette confiscation, avec des contributions d’universitaires, juristes et économistes. Juridiquement, cette expropriation d’actifs souverains est présentée comme une mesure de rétorsion à la violation du droit international par la Russie, en se référant à des textes de la Commission des lois des Nations Unies. « La confiscation des actifs souverains russes est un acte légal d’autodéfense », martèle Olena Halushka, soulignant que des outils juridiques existent, notamment aux Etats-Unis, comme l’International Emergency Economic Power Act, qui permet au président américain de procéder à cette confiscation.
Fort scepticisme des experts et des banquiers centraux
Et pourtant, elle n’est pas au bout de ses peines. Olena Halushka doit faire face à un fort scepticisme sur la faisabilité, et même la justification de l’opération. L’Institut Bruegel, un think tank indépendant, vient de publier une note jugeant sévèrement cette idée « inutile et peu judicieuse », car elle ne respecte pas cette règle de l’inviolabilité des actifs d’un Etat. « C’est une question de principe : défendre de manière crédible un ordre fondé sur des règles vaut plus que les milliards qui seraient gagnés en s’appropriant l’argent de la Russie », observent les économistes Nicolas Véron et Joshua Kirschenbaum.
De son côté, Sébastien Jean, professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et coordinateur de l’initiative Géoéconomie et géofinance à l’Ifri, est très prudent :
« La confiscation des avoirs de la Banque centrale était, de toutes les sanctions occidentales, l’élément qui a le plus surpris la Russie. Elle a déjà été vécue comme une transgression. Il y a certes une logique de réparation mais aussi des contraintes de cohérence avec le droit international. »
Au-delà du principe juridique, les dirigeants des banques centrales occidentales s’inquiètent d’une possible déstabilisation du système financier, notamment en Europe où sont gelés les deux tiers des sommes. « Les Européens craignent que la Chine ne veuille plus placer ses capitaux en Occident. Ils ont déjà pris un risque en gelant les réserves de change russes », estime Charles Lichfield, directeur du centre de géoéconomie de l’Atlantic Council, un de principaux think tanks américains.
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