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« L’inculpation de Donald Trump est une bonne nouvelle pour Joe Biden »

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Le président américain, en difficulté sur la scène nationale, sera plus à l’aise dans une campagne présidentielle contre son prédécesseur, qu’il a déjà battu, estime la politiste Laurence Nardon, spécialiste des Etats-Unis, dans une tribune au « Monde ».

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Donald Trump lors d'un meeting
Donald Trump lors d'un meeting
Evan El-Amin/Shutterstock
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Malgré son caractère inédit et l’intense couverture médiatique dont elle a fait l’objet aussi bien à New York qu’à Mar-a-Lago (Floride), le 4 avril, l’inculpation de Donald Trump dans l’affaire Stormy Daniels ne semble pas avoir fondamentalement modifié le paysage politique américain. L’ancien président est accusé d’avoir commis trente-quatre faux en écriture, entre autres pour acheter le silence de cette ancienne actrice porno. Ses avocats feront tout pour faire traîner le démarrage d’un procès, prévu au mieux pour le début de 2024.

Donald Trump reste cependant impliqué dans d’autres affaires, qui semblent beaucoup plus graves : en Géorgie, il a fait pression en 2020 sur des responsables républicains pour qu’ils trouvent de fausses voix afin de renverser le résultat de l’élection présidentielle dans cet Etat ; il a aussi sciemment refusé de rendre des documents classés secret-défense après son départ de la Maison Blanche. Enfin, dans l’affaire de l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021, M. Trump pourrait être accusé d’insurrection ou de rébellion contre les Etats-Unis. Ce sont des chefs d’accusation pour lesquels le 14e amendement de la Constitution américaine prévoit l’inéligibilité à vie.

Si l’affaire Stormy Daniels semble presque secondaire, la mise en accusation d’un ancien président brise un tabou, ce qui pourrait permettre plus facilement le déclenchement d’autres inculpations dans les mois à venir.

En attendant, M. Trump se présente en victime d’un procès politique. Ses équipes ont d’ailleurs lancé une campagne de levée de fonds sur ce thème, qui aurait rapporté plus de 10 millions de dollars (9,1 millions d’euros) depuis l’annonce officielle de l’inculpation, le jeudi 30 mars. Elles sont allées jusqu’à proposer des tee-shirts à 36 dollars, montrant une photo anthropométrique de Donald Trump, accompagnée du bandeau « innocent » – un montage, bien entendu, puisque la formalité du « mugshot » a été épargnée à l’ex-président lors de son arrivée à la Cour de justice.

Course à l’investiture

Cette posture fonctionne auprès de la base trumpiste, mais ne parvient pas à l’élargir. Ainsi, selon l’agrégateur de sondage FiveThirtyEight, l’opinion des Américains sur M. Trump reste majoritairement négative, autour de 55 %, contre 38 % à 40 % qui ont une opinion favorable.Au sein de l’électorat républicain en revanche, l’avance déjà très nette de M. Trump sur son challenger, Ron DeSantis, se confirme : il est désormais aux alentours de 30 points devant le gouverneur de Floride, à 57 % des intentions de vote pour une primaire républicaine qui démarrera au printemps 2024.

Dans les quelques semaines qui ont suivi les élections de mi-mandat de novembre 2022, après les résultats en demi-teinte d’un camp républicain bruyamment soutenu par M. Trump, le gouverneur de Floride semblait avoir le vent en poupe. Les sondages pour les primaires ne montraient plus qu’une avance de 10 points pour Donald Trump sur lui. Signe majeur, les trois principaux médias américains du groupe Murdoch – la chaîne Fox News, le quotidien Wall Street Journal et le tabloïd New York Post – ont un moment semblé faire allégeance à DeSantis, de même que de grands donateurs du parti, tels que le PDG du fonds Blackstone, Stephen Schwarzman, ou le créateur du fonds Citadel, Kenneth Griffin. 

Cette phase n’a pas duré. Le gouverneur de Floride, très conservateur, mène l’essentiel de son action contre « l’idéologie woke ». Il cherche notamment à réduire l’enseignement des questions LGBTQI et de la théorie critique de la race dans les écoles et les collèges de son Etat. Si cette croisade séduit l’électorat conservateur de M. Trump, elle a moins de prise sur son électorat proprement populiste.
 
Les succès récents du camp conservateur pour limiter le droit à l’avortement et à la contraception semblent même contre-productifs en termes électoraux, comme l’a montré, après le résultat des midterms de 2022, la défaite du candidat républicain dans l’élection d’un juge de la Cour suprême du Wisconsin, le 4 avril. Même Ann Coulter, la très radicale polémiste républicaine, déplore le maximalisme des conservateurs sur ces questions, s’exclamant sur Twitter : « Cessez de réclamer de strictes limites à l’avortement, ou il n’y aura plus de républicains ! »

Sujet de préoccupation

Malgré un bilan économique honorable et la mise en route d’une politique industrielle historique, le président Biden est à peine plus populaire que Donald Trump, avec 43 % d’opinions favorables et 53 % d’opinions défavorables. Son âge avancé est aussi un sujet de préoccupation pour les démocrates. Il semble pourtant probable qu’il officialise prochainement sa candidature à sa propre succession.
 
Il est vrai que le parti peine à faire émerger un nouveau candidat : la vice-présidente, Kamala Harris, le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, la secrétaire au commerce, Gina Raimondo, ou, plus récemment, Robert Kennedy Jr ne décollent pas auprès des électeurs démocrates.
 
L’inculpation de M. Trump, qui le renforce face à ses adversaires dans la primaire républicaine, est une bonne nouvelle dans ce contexte. En effet, Joe Biden sera plus à l’aise dans une campagne contre Donald Trump, qu’il a déjà battu et pourra donc traiter de « loser ». Leurs âges respectifs, 80 ans pour le président, 76 ans pour son prédécesseur, rendront moins efficaces les attaques en sénilité lancées contre M. Biden par le camp républicain. Il faut enfin compter avec la lenteur du calendrier judiciaire. Si M. Trump devait être empêché par une inculpation ou une condamnation tardives, le camp républicain se retournerait en urgence vers un candidat tel que DeSantis, sans doute mal préparé pour remporter l’élection contre le président sortant.
 
En attendant le renouvellement des générations politiques du Parti démocrate, les chances de Biden pour 2024 ne semblent pas nulles.
 
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Laurence Nardon est responsable du programme Amériques à l’Institut français des relations internationales. Elle a préfacé la traduction française d’« Assaut contre le Capitole » (Buchet-Chastel, 416 p., 23,90 €), le rapport de la commission d’enquête de la Chambre des représentants sur l’insurrection du 6 janvier 2021.


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