Les paradoxes chinois d’Elon Musk
Le multimilliardaire est dans une position singulière : proche conseiller de Donald Trump, il est aussi propriétaire de Tesla, une entreprise bien implantée dans le pays désigné ennemi numéro un par la nouvelle administration américaine.
« La situation actuelle, où TikTok a le droit d’opérer aux Etats-Unis mais où X est interdit en Chine, est déséquilibrée. Quelque chose doit changer », a argumenté Elon Musk, lundi 20 janvier, comparant la manière dont sont traités son réseau social X et son homologue chinois. Si l’homme le plus riche du monde est habitué à publier plusieurs fois par jour des propositions, anathèmes et provocations, cette prise de position politique a attiré l’attention par sa singularité : elle concerne la Chine.
« C’est une occasion rare de voir Elon Musk exprimer des critiques, même douces, envers le régime chinois », décrypte Julien Nocetti, chercheur associé au Centre géopolitique des technologies de l’Institut français des relations internationales.
L’entrepreneur est d’ordinaire plus prompt à se faire le champion de la « liberté d’expression absolue » et le pourfendeur de la « censure » dans les démocraties, aux Etats-Unis ou en Europe.
« On est plutôt habitué à voir Elon Musk être bienveillant envers la Chine, qui est un marché-clé pour son entreprise Tesla », ajoute le chercheur. Elon Musk a ainsi rappelé lundi qu’il avait « été opposé de longue date à un bannissement » de TikTok du territoire américain, car cela va « contre la liberté d’expression ». Son message de lundi est un changement de ton et aussi une façon de s’inviter dans ce dossier.
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Acheteur potentiel de TikTok
Selon le Financial Times et Bloomberg, le propriétaire de X est vu par les officiels chinois comme un possible recours dans un autre dossier : celui de TikTok, sommé mardi de céder 50 % de son capital à une entreprise américaine afin d’échapper au bannissement des Etats-Unis. M. Musk serait même considéré comme un acheteur potentiel… Une hypothèse que Donald Trump n’a pas exclue mardi. « Elon Musk pourrait être un pont de communication et de négociation avec les Etats-Unis, du fait de l’immense empreinte que Tesla a en Chine. Mais ses autres entreprises n’ont pas accès au marché chinois et Tesla se trouve en concurrence avec des marques chinoises, donc ses intérêts économiques sont complexes », nuance Scott Kennedy, expert de la Chine au Centre d’études stratégiques et internationales.
En effet, l’autre perspective est que le royaume d’Elon Musk soit une victime collatérale du choc des empires chinois et américain. En cas de guerre économique avec les Etats-Unis, l’industriel a toujours rétorqué que d’autres multinationales – comme Apple – avaient une dépendance à la Chine « bien pire » que celle de Tesla. Pour Shen Dingli, un universitaire spécialiste des relations internationales basé à Shanghaï, M. Musk pourrait toutefois se retrouver sous pression. « S’il y a une guerre commerciale, la Chine devra utiliser les moyens à sa disposition. Une possibilité est de rendre Elon Musk mécontent de l’approche de Trump sur la Chine », pense-t-il.
Texte citation
« Elon Musk fait face à un conflit d’intérêts majeur entre sa présence économique en Chine et son besoin de servir l’agenda d’affaires étrangères de Donald Trump ».
Chercheur associé, Centre Russie/Eurasie et Centre géopolitique des technologies de l'Ifri
Des « faucons antichinois », comme le ministre républicain Marco Rubio, risqueraient de s’insurger contre les liens d’Elon Musk avec la Chine, à l’image des parlementaires démocrates qui l’ont accusé en décembre d’avoir torpillé des amendements encadrant les investissements américains en Chine.
Pour M. Nocetti, « M. Musk marche sur une ligne de crête ». La relation des Etats-Unis avec la Chine est une des inconnues du mandat de M. Donald Trump, mais aussi de l’avenir d’Elon Musk.
Lire l'article en intégralité sur le site Le Monde.
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