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Les mutations du travail : un enjeu géopolitique

Interventions médiatiques |

chercheur au Centre Russie/NEI, pour 

  Ouest-France
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La question du travail n’est plus une donnée simplement socio-économique ; elle est aussi désormais un enjeu géopolitique majeur. Numérisation et robotisation nous placent face à un avenir vertigineux : 85 % des emplois de 2030 n’existeraient pas encore.

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La juste évaluation des mutations du travail est délicate, car elle met en scène deux tendances contradictoires. D’une part, un discours qui rencontre un fort écho médiatique : un chômage technologique de masse donnerait naissance à une « classe inutile » du fait de l’extrême polarisation des emplois. Le numérique, selon cette vision, en supprimant majoritairement les emplois intermédiaires, remplacés par les robots et les algorithmes, creuse les inégalités, au détriment de la classe moyenne déqualifiée.

D’autre part, un discours qui met l’accent sur les gains de productivité générés par l’automatisation et la robotisation des activités économiques. Cette lecture n’occulte pas les risques qui pèsent sur le tissu social, mais avance que l’on assiste davantage à une transformation du travail qu’à une crise.

Sous l’angle du risque politique, force est de reconnaître que la numérisation du travail, portée par la démocratisation de l’intelligence artificielle, est susceptible d’amplifier les multiples fractures à l’œuvre dans les sociétés européennes : socio-économiques, géographiques et urbaines, industrielles… Paupérisation accrue des classes moyennes et renforcement du péril populiste - allant de pair avec la désillusion des opinions sur la démocratie - ne sont pas « déconnectés » du facteur technologique.

Au demeurant, les risques identifiés de la transformation du travail tiennent autant aux conséquences de l'« ère des accélérations » que nous vivons qu’à la capacité des technologies à changer les hiérarchies économiques et sociales. Les grands bénéficiaires de la « quatrième révolution technologique » (convergence entre l’économie des données, la robotique, la connectivité des objets et l’intelligence artificielle) sont les fournisseurs de capitaux intellectuels ou physiques : innovateurs, investisseurs et actionnaires.

Cette donnée creuse le fossé entre les individus dépendant de leur emploi et les détenteurs de capitaux. Il s’agit d’un sujet politiquement sensible aux États-Unis, par exemple, et qui a permis à Bernie Sanders, pendant la primaire démocrate en 2016, de concurrencer sérieusement sa rivale Hillary Clinton.

Pour l’Europe, deux conséquences stratégiques peuvent être identifiées. La première tient à la solidité des systèmes d’alliance noués entre Occidentaux depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Selon différentes modalités, l’Otan et l’Union européenne sont âprement « testés » : l’une par la crise que traverse la relation transatlantique ; l’autre par une superposition de crises, dont la moindre n’est pas les différences de modèles de croissance entre pays membres, lesquelles fragilisent la cohésion sociale et attisent les tendances radicales.

La seconde conséquence tient à l’évolution de la « chaîne de valeur » diplomatique, avec l’enjeu devenu primordial de l’éducation et de la formation, qui structure (rera) de nouveaux rapports de force entre États, et entre États et grands acteurs du numérique. Ceux-ci se livrent déjà à d’âpres luttes pour attirer les meilleurs cerveaux dans les technologies dites de rupture, comme l’intelligence artificielle. Mais cet enjeu est aussi lié à l’acceptation par les populations de changements profonds, faisant de la vitesse d’adaptation la « clé » de la réussite. 

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Julien NOCETTI

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