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Les marines occidentales se préparent au retour de l’extension des guerres en mer

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cité par Nicolas Barotte dans

  Le Figaro
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Comme le cyber ou l’espace, le domaine maritime fait partie des espaces de contestation où les puissances révisionnistes, qui défient l’ordre occidental, veulent faire valoir leur droit y compris par la force.

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The French aircraft carrier "Charles de Gaulle"
The French aircraft carrier "Charles de Gaulle"
Joris van Boven/Shutterstock
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L’Amiral Kouznetsov est censé reprendre la mer cette année. L’unique porte-avions de la flotte russe, entré en service dans les années 1990, devrait bientôt ressortir des chantiers navals de Mourmansk. Dans quel état ? Les travaux ont duré six ans depuis le dernier déploiement du bâtiment au large de la Syrie d’où il avait mené des raids aériens au profit du régime de Damas. Il avait fait piètre impression et le ministre de la Défense britannique avait dénigré un «bateau de la honte» alors qu’il passait au large des côtes anglaises, sous la surveillance de la Royal Navy. «Les bateaux de combat russes n’ont pas besoin d’escorte», avait répondu Moscou en grinçant des dents. Depuis, la flotte russe n’a pas brillé.

Cet automne, le retour du sous-marin Krasnodar vers son port d’attache a été suivi par toutes les marines européennes et avait suscité beaucoup d’interrogations sur l’état d’épuisement de la marine russe. En mer Noire, elle a été mise en échec par l’Ukraine, même si celle-ci n’a plus de marine. «L’avantage technologique de la Russie a été gommé», souligne le capitaine de vaisseau Thibaut Lavernhe, commandant en second du porte-avions Charles de Gaulle . «L’avantage des Ukrainiens tient dans leur capacité à employer les moyens dont ils disposent», poursuit l’officier qui a publié l’année dernière, avec le capitaine de corvette François-Olivier Corman, une sommité sur le combat naval, Vaincre en mer au XXIe siècle (Équateurs).

Les conflits et les tensions internationales débordent partout en mer. Un marin se souvient de février 2022: son bâtiment se trouvait en Méditerranée lorsque durant la nuit les missiles du Kremlin se sont abattus sur l’Ukraine. En quelques instants, les systèmes d’armes du navire passaient en mode alerte. Les bâtiments russes n’étaient qu’à quelques milliers de nautiques.

À bord du Charles de Gaulle, qui naviguait dans la même zone avec l’habitude rassurante de la distance opérationnelle, «tout le monde s’est senti plus concerné», a raconté le chef d’état-major, le général Burkhard, lors de la conférence navale de l’Ifri qui s’est tenue fin janvier à Paris.

«Renaissance» des capacités sous-marines

L’hypothèse du combat naval, évoquée régulièrement par l’amiral Vandier et qui avait fait l’objet d’un vaste exercice d’ampleur à l’automne 2021, nommé «Polaris», semble se rapprocher inexorablement. «On sera engagé et nous engagerons. Il y aura de l’attrition», a affirmé avec certitude le chef d’état-major de la marine, l’amiral Vaujour, lors d’un discours à l’Académie de marine en janvier. En mer Noire, la flotte russe a subi ses défaites les plus symboliques. La semaine dernière, un drone de surface ukrainien a encore détruit la corvette russe Ivanovets. En mer Rouge, les bâtiments de guerre américains, britanniques et Français ont été ciblés par des attaques houthistes. Ces batailles peuvent en préfigurer d’autres. Mais attention à ne pas tirer les mauvaises conclusions. «La configuration de la mer Noire est très particulière et il ne faut pas la transposer à la haute mer», met en garde le commandant Lavernhe. «Les attaques réussies par les Ukrainiens l’ont été contre des bateaux à quai», ajoute-t-il.

[...]

Accélération des menaces

Après avoir dominé, les marines occidentales sont «écartelées», constate un haut gradé. Quantitativement, la marine chinoise a désormais dépassé celle des États-Unis. Qualitativement, le jeu est ouvert. «Elle est crédible», assure Jérémy Bachelier, expert de l’Indo-Pacifique à l’Ifri.

«La marine américaine en est consciente et elle est en cours de réarmement. Mais les États-Unis n’ont plus les chantiers navals en nombre suffisant», explique-t-il. «La marine chinoise pèche en revanche par son manque d’expérience du combat naval. Mais ils sont eux aussi conscients de ce retard alors ils cherchent à maximiser leurs entraînements notamment en matière d’opération amphibie. Ils coopèrent aussi avec des partenaires comme la Russie», observe-t-il.

 

La flotte du Pacifique, basée à Vladivostok, fait bénéficier à son allié de ses connaissances en matière de lutte anti-sous-marine. La zone pacifique est aussi revenue dans les priorités de la nouvelle doctrine navale de la Russie parue en juillet 2022, après l’Arctique. Moscou y dénonce aussi les ambitions «hégémoniques» des États-Unis sur les océans.

Peu de moyens suffisent en réalité pour être une puissance perturbatrice. En mer Rouge, les rebelles houthistes sont parvenus à perturber le trafic commercial grâce à des frappes depuis la terre. Américains, Britanniques et Français ont riposté. Pour la première fois, une frégate française, le Languedoc, a fait usage de ses missiles Aster pour intercepter un drone hostile qui la visait déclenchant aussitôt un débat sur le coût de l’interception d’un drone de quelque 20.000 euros. «Une frégate vaut 800 millions d’euros, un porte-conteneurs 1 milliard», a répliqué l’amiral Vaujour. «Personne n’a contesté l’emploi d’un missile», a-t-il poursuivi. Mais une FREMM ne peut emporter qu’une trentaine de missiles. Les frégates de défense et intervention (FDI), dont le premier exemplaire, l’Amiral Ronarc’h, doit être livré cette année à la marine nationale, en emporteront moitié moins.

Face à l’accélération des menaces, les marines occidentales sont prises à contretemps. La réalité est parfois triviale. Il s’agit d’accès à des ports de soutien ou de la question du réarmement des missiles en mer. Après avoir essuyé des tirs, la Royal Navy a pris contact avec la marine nationale pour savoir comment elle procédait pour transporter par avion les missiles supplémentaires jusqu’au port le plus proche. Malgré son passé prestigieux, la marine britannique a elle aussi souffert des réductions budgétaires et créé des vides dans ses compétences. «Un jour, ils sont venus nous voir pour nous demander des électriciens» pour leurs bateaux, raconte un amiral.

Il faut penser le combat naval des fonds marins à l’espace exoatmosphérique, L’amiral Nicolas Vaujour, chef d’état-major de la Marine nationale

 

Les marines occidentales ont été réduites à leur minimum et la remontée en puissance est lente. Durant ces années, l’endurance des bateaux a été privilégiée par rapport à leur armement. «La marine française a été tiraillée entre le quotidien et l’hypothèse», résume Nicolas Mazzucchi. Le quotidien, pendant des années, a été fait d’actions de souveraineté, de lutte contre les trafics, d’évacuation… La polyvalence était une qualité. Le principe du «signalement stratégique», qui faisait des bâtiments de combat des instruments politiques autant que militaires, a fait perdre aux marins le sens de la discrétion qui sied mieux aux opérations. Au fil des années, «nous étions devenus paresseux en ce qui concerne la sécurité opérationnelle», a convenu l’amiral Lisa Franchetti, qui commande la marine américaine, en citant comme exemple le comportement des marins «qui publient des images sur les réseaux sociaux».

Aujourd’hui le champ de bataille maritime «est devenu plus compliqué», a souligné le chef d’état-major de la Royal Navy, l’amiral sir Ben Key lors de la dernière conférence navale de l’Ifri.

 

 

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Jérémy BACHELIER

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Ancien Chercheur, Centre des études de sécurité de l’Ifri

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