Les illusions chinoises d’Emmanuel Macron
« La guerre en Ukraine est devenue le premier théâtre de la confrontation indirecte active entre les États-Unis, qui soutiennent militairement les Ukrainiens avec leurs alliés européens, et la Chine, qui aide la Russie politiquement et économiquement », note Marc Julienne dans une étude de l’Ifri consacrée au sujet. Depuis novembre 2022, le président français espère engager Pékin à jouer un rôle de médiateur dans le conflit.
« Il s’agit là d’une mécompréhension de la position de la Chine sur l’Ukraine, que l’on a d’ailleurs observée chez d’autres dirigeants européens », commente Marc Julienne.
Dans un article coécrit avec Tatiana Kastoueva-Jean, il poursuit :
« Les tentatives de plusieurs dirigeants européens d’aller chercher à Pékin une solution à la guerre d'Ukraine sont non seulement illusoires, mais elles contribuent de surcroît à alimenter le discours de la Chine qui se présente comme un acteur pacifiste et constructif, tout en soutenant la Russie... Il est urgent de prendre acte de la véritable position chinoise et de dénoncer ses ambiguïtés et ses contradictions. »
«Décision funeste»
Paris espérait convaincre Xi Jinping, bien qu’il n’ait jamais dénoncé l’agression de la Russie, d’exercer son influence sur Vladimir Poutine pour le pousser à une issue négociée du conflit. Mais l’illusion d’une Chine «neutre» et médiatrice a volé en éclats depuis la visite en grande pompe de Xi Jinping à Moscou, qui a confirmé et renforcé l’axe Pékin-Moscou, faisant de la Chine un soutien clair de l’invasion russe en Ukraine.
Depuis, la France a adapté son discours. Elle veut désormais surtout éviter toute «décision funeste» de Pékin qui viserait à soutenir Moscou militairement et aurait des effets stratégiques majeurs sur le conflit. Mais Emmanuel Macron n’a pas pour autant renoncé à son objectif initial. Il espère toujours ouvrir avec le président chinois un «chemin» qui permette «de trouver une solution à la guerre à moyen terme». «La Chine est l’un des rares pays au monde, si ce n’est le seul, à avoir un effet “game changer” sur le conflit, dans un sens comme dans un autre.» Mais la plupart des experts doutent des capacités de la France et de l’UE à faire bouger les lignes du régime chinois et à obtenir des résultats concrets sur le dossier ukrainien.
D’autant que derrière la façade, la position des pays européens n’est pas aussi unie.
« Bien que l’UE renforce progressivement sa politique chinoise depuis 2019, il semble que tous les dirigeants européens, en particulier à l’ouest, n’aient pas encore acté la volonté de Pékin de remodeler l’ordre international selon des principes contradictoires avec les valeurs fondamentales de l’UE, comme l'État de droit et les droits humains », poursuit Marc Julienne.
« La Chine mise sur l’attraction de son modèle - autoritarisme politique et croissance économique - et exploite la fatigue du “Sud global’’ face à des puissances occidentales déclinantes et “donneuses de leçons’’ » écrivent les spécialistes Céline Pajon et Jérémy Bachelier dans la même étude de l’Ifri.
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