Les Européens réticents à une opposition frontale avec Pékin
L’Union européenne, comme les pays asiatiques, reste écartelée entre la crainte de l’expansionnisme de la Chine et l’attrait de son marché.
On espérait un dialogue. Ce ne fut qu’une succession de monologues chinois. Organisé simultanément à Chongqing et à Rome le mardi 8 juin, le cinquième « séminaire Chine-Europe sur les droits humains » a fait un flop. Aucun officiel européen n’y a participé. Prévu pour se tenir cette année en Italie, ce rendez-vous, pour lequel les Chinois consacrent des moyens considérables, s’est tenu en duplex avec Rome. Pourtant, aucun membre du gouvernement Draghi n’y a fait la moindre apparition. Même le consul italien à Chongqing n’a pas daigné y faire un saut.
Tout juste a-t-on eu droit à quelques élus locaux de la Péninsule, venus dire que la Chine était un pays formidable et qu’elle le serait encore davantage si elle autorisait les Chinois à faire à nouveau leurs emplettes à Rome et Milan. Il est vrai que, de leur côté, les Chinois n’avaient pas fait le moindre effort. Le thème retenu pour la rencontre le prouve : le Covid-19 et la garantie du droit à la vie et à la santé. Les uns après les autres, les Chinois ont expliqué que, grâce à Xi Jinping, la Chine avait sauvé d’innombrables vies durant l’épidémie. Et comme la vie est le premier des droits de l’homme, la Chine respecte donc ceux-ci. CQFD. On l’a compris : ni le Xinjiang ni Hongkong n’étaient à l’ordre du jour.
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Le constat s'impose encore davantage à ses voisins. Traditionnellement, le Japon, la Corée du Sud mais aussi les pays de l'Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean), notamment Singapour, les Philippines, la Thaïlande, la Malaisie et l’Indonésie, sont dans la sphère d'influence américaine. Mais comme le montre le dossier que vient de publier la revue Politique étrangère, tous ces pays sont écartelés entre leur crainte de l'expansionnisme de la Chine et l’irrésistible attrait de son marché.
« A terme, ce que vise Pékin, c’est substituer un système référentiel chinois au système américain, et convaincre les pays de la région de l’intérêt et de la logique naturelle d’une communauté de destin, y compris sécuritaire », explique Sophie Boisseau du Rocher, chercheuse à l’Institut français des relations internationales.
Démonstration vient d'en être faite. Lundi 7 juin, le ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi, a reçu, physiquement, ses homologues de l'Asean, lui aussi à Chongqing. La Chine va relever son niveau de partenariat avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est. Celui-ci devient désormais « stratégique global », au même rang que celui qui lie la Chine à la Russie ou à l’Union européenne. Un niveau qui dépasse les relations commerciales et inclut les questions de sécurité. Pourtant, la mer de Chine du Sud constitue un contentieux important entre la Chine et plusieurs membres de l’Asean : le Vietnam, les Philippines, la Malaisie et Bruneï. Au moment où les Etats-Unis mais aussi l’Union européenne développent leur stratégie indopacifique, la Chine veut renforcer les liens avec ses voisins en faisant le moins de concessions possibles. «La Chine aspire dorénavant à l’Asie du Sud-Est. Comment faire en sorte qu’elle ne l’avale pas?», résume Sophie Boisseau du Rocher.
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