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Les Européens embarrassés par le retour des djihadistes

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interrogé par Yves Bourdillon pour

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Londres veut que « ses » djihadistes soient jugés en Syrie, Paris est prêt à les recueillir, quitte à les emprisonner aussitôt, Berlin hésite sur la marche à suivre.

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Le retour des djihadistes de Syrie constitue un nouveau sujet de dissension avec Washington, discuté au conseil européen des affaires étrangères de ce lundi à Bruxelles. L'administration Trump veut que les Européens recueillent et jugent les 800 membres de Daech détenus par les Kurdes. Ces derniers, menacés par une offensive turque, ne peuvent garantir que leurs prisonniers ne s'évaderont jamais.

Londres refuse, Paris accepte, Berlin hésite

Londres refuse le retour des djihadistes, estimant préférable de les juger « quand c'est possible [...] dans la région où les crimes ont été commis. » Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a estimé lundi à Bruxelles ce retour « extrêmement difficile », possible seulement « si nous pouvons garantir » que les personnes transférées« seront immédiatement placées » en détention, alors que manquent les informations en provenance de Syrie garantissant des poursuites.

Après s'être longtemps opposé à ce retour suscitant l'hostilité de l'opinion publique, Paris a admis , fin janvier, la nécessité d'accueillir environ 130 ressortissants, dont une quarantaine d'ex-combattants. Reconnaissant une « situation géopolitique nouvelle établie avec le retrait des forces américaines », décidé fin décembre par Donald Trump, la ministre française de la Justice, Nicole Belloubet, a maintenu lundi que « lorsque des personnes de retour des terrains de combat arrivent, nous les judiciarisons ».

Le risque d'une justice laxiste

  • « Il n'y a pas de solution idéale », reconnaît Marc Hecker, spécialiste du terrorisme à l'institut français des relations internationales, « mais vu l'instabilité en Syrie, avec un risque d'évasion des djihadistes capturés, la moins mauvaise paraît être la  judiciarisation systématique des adultes ramenés en France, avec détention provisoire et procès par des cours d'assises spécialement composées pour ces cas. Ces cours d'assises existent depuis plus de trente ans et sont constituées de cinq juges professionnels ».

Au risque qu'ils soient relâchés faute de preuves et commettent des attentats, comme les djihadistes qui, malgré leur contrôle judiciaire, avaient égorgé le prêtre de Saint Etienne du Rouvray en 2016 ? « Des preuves judiciarisables pour des faits commis en Syrie seront parfois compliquées à rassembler », souligne Jean-Luc Marret, chercheur à la Fondation pour la Recherche Stratégique, « mais il est difficile d'imaginer, judiciairement et politiquement, qu'on puisse laisser en liberté des complices de Daech, même ayant joué un rôle relativement secondaire ». 

  • « Les peines prononcées seront certainement lourdes »,estime pour sa part Marc Hecker, « sans avoir nécessairement à prouver que l'accusé a tué. Le fait d'avoir appartenu à Daech et d'avoir apporté un soutien logistique à cette organisation criminelle suffit, au vu des procès ayant déjà eu lieu, pour être lourdement condamné. Un djihadiste a déjà pris sept ans de prison pour avoir passé dix jours en Syrie. Ceux qui sont restés jusqu'à la chute de Mossoul et Raqqa seront sans doute perçus comme des jusqu'au-boutistes particulièrement dangereux. Ils encourront trente ans de réclusion criminelle, voire la perpétuité pour les chefs ».

Toutefois, le  retour des djihadistes « comporte un risque sécuritaire si après leur peine de prison ils n'ont pas pris leurs distances avec le djihad », tempère Jean-Luc Marret. En France, ajoute-t-il, « la durée moyenne de peines prononcées pour terrorisme est plus courte que dans d'autres pays, en particulier européens. Il ne faut pas négliger non plus la problématique du prosélytisme en prison des condamnés, ni celle de la prochaine terre de djihad pouvant surgir dans quelques années et dont la proximité, par exemple, pourrait remobiliser les anciens djihadistes, voire inciter d'autres personnes à le devenir ». La France a fourni le plus fort contingent de recrues occidentales de Daech, devant la Belgique avec, de source judiciaire, 730 adultes, dont 400 auraient été tués et 260 sont déjà revenus, la majorité étant incarcérés.

 

Lire l'article sur le site des Echos.

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Marc HECKER

Marc HECKER

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Directeur adjoint de l'Ifri, rédacteur en chef de Politique étrangère et chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri

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