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Les énergies renouvelables sont bien «d’intérêt public majeur»

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tribune avec Alain Grandjean, Jean Jouzel et Noël Mamère dans

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Le projet de loi d’accélération des «ENR», discuté à l’Assemblée nationale, veut simplifier les procédures pour l’installation de parcs éoliens ou solaires. C’est le sens de la déclaration «d’intérêt public majeur», pourtant rejetée en commission par les écologistes, regrettent les chercheurs Alain Grandjean, Jean Jouzel et Cédric Philibert, ainsi que l’écologiste Noël Mamère.

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Energies renouvelables
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L’Assemblée nationale examinera du 5 au 9 décembre en séance publique le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, adopté par le Sénat en première lecture début novembre. Le projet vise à simplifier les procédures afin de réduire les délais de réalisation des parcs éoliens et solaires (notamment), à mobiliser des espaces dégradés ou délaissés, à planifier le développement de l’éolien maritime et à mieux partager la valeur ainsi créée avec les territoires.

Une disposition essentielle du texte affirme que les projets d’installations ou de stockage d’énergie renouvelable sont réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur, s’ils satisfont des conditions qui seront définies par décret en Conseil d’Etat. Une disposition similaire est au cœur des projets européens de révision de la Directive renouvelable «Fit for 55» et de l’amendement «REPowerEU».

 

Décarboner l’économie française

L’inscription dans la loi de l’intérêt public majeur des énergies renouvelables permet effectivement d’en accélérer le développement, en simplifiant et réduisant les durées d’examen des dossiers, en fournissant davantage de sécurité juridique aux développeurs, en évitant des rejets basés sur l’absence d’intérêt public majeur – rejets qui affectent d’autant plus les projets qu’ils sont individuellement modestes, alors qu’ils sont collectivement très significatifs.

Or, lors de son examen par la Commission du développement durable la semaine dernière, cette disposition a été rejetée par le vote d’un amendement présenté par les députés écologistes, et soutenu par Les Républicains et le Rassemblement national.

Pourtant, il ne fait aucun doute, encore moins aujourd’hui qu’hier, que le développement des énergies renouvelables est un intérêt public majeur. Pour décarboner l’économie française, même en réduisant notre consommation d’énergie finale, il nous faudra électrifier dans une large mesure les bâtiments, l’industrie et les transports avec de l’énergie bas carbone et, pour cela, il nous faudra non pas moins mais plus d’électricité bas carbone.

C’est encore plus vrai, naturellement, depuis que les prix du gaz se sont envolés vers des sommets inconnus, entraînant avec eux les prix de l’électricité sur le marché européen. Citoyens, collectivités locales, écoles, hôpitaux, entreprises de toutes tailles, sont et seront de plus en plus confrontés à d’inextricables difficultés financières si nous ne parvenons pas à développer rapidement des moyens de produire une électricité domestique, bon marché, et bas-carbone – essentiellement l’éolien et le solaire.

Le parc nucléaire existant, vieilli, est aujourd’hui en grande difficulté. Quelles que soient les décisions qui seront prises (ou non) de construire de nouveaux réacteurs, nous ne disposerons dans les quinze prochaines années que des énergies renouvelables pour augmenter la production domestique d’électricité bas-carbone.

Réduire les importations de combustibles fossiles

Comment des élus «attachés à l’indépendance nationale sur les plans stratégique, énergétique, alimentaire et industriel» (Charte des LR) ou qui veulent «assurer notre indépendance énergétique pour baisser la facture des Français» («Le Projet» du RN) peuvent-ils ne pas voir l’intérêt public majeur de développer rapidement les seules énergies disponibles à court terme ? Il s’agit pourtant de faire exactement ce qu’ils affirment vouloir : réduire les importations de combustibles fossiles ou d’électricité produite à partir d’énergie fossiles, ainsi que les pollutions associées.

Faute de pouvoir, après l’été que nous avons connu, faire encore mine de ne «pas croire» au réchauffement climatique ; faute de pouvoir encore prétendre que les renouvelables coûtent cher en subventions (elles verseront de 2022 à 2023 plus de trente milliards d’euros à l’Etat), ces députés qui détestent par habitude éoliennes et parcs solaires utilisent donc la naïveté des écologistes. Car ceux-ci leur ont offert sur un plateau une très bonne excuse : la préservation de la biodiversité.

L’exposé de l’amendement écologiste prétend que l’affirmation par la loi de la «raison impérieuse d’intérêt public majeur» des énergies renouvelables serait une «dégradation du droit», une «concurrence avec la législation de protection de la biodiversité», une «prééminence de ces projets sur la préservation des espèces animales et végétales». Elle mettrait la France dans «l’impossibilité», pas moins, d’atteindre les objectifs ambitieux qu’elle s’est fixés en matière de protection de la biodiversité.

Ne pas opposer la préservation de la biodiversité à celle du climat

Voilà qui est, à notre sens, manquer singulièrement de discernement. C’est opposer la préservation de la biodiversité à celle du climat. Or le changement climatique et la pollution sont deux des cinq causes principales de l’érosion de la biodiversité, au même titre que le changement d’usage des terres et de la mer, l’exploitation directe de certains organismes et les espèces exotiques envahissantes, selon l’IPBES (plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), le «Giec» de la biodiversité.

Les éventuels effets négatifs sur la biodiversité d’installations éoliennes ou solaires resteront très fortement encadrés par la législation. En particulier, invoquer la raison impérieuse d’intérêt public majeur ne dispensera pas les développeurs de projets qui auraient besoin de dérogations «espèces protégées» de devoir démontrer «l’absence de solution alternative de moindre impact». Ils devront également montrer que le projet «ne porte pas atteinte à l’état de conservation de l’espèce concernée», y compris si nécessaire en prenant des mesures de compensation.

Refuser l’intérêt public majeur, c’est aussi favoriser les plus gros projets au détriment des plus petits, favoriser les projets portés par des entreprises dotées de moyens importants au détriment de ceux qui peuvent être portés par des collectivités territoriales ou des collectifs citoyens – des résultats pour le moins paradoxaux si l’on prend au sérieux les affirmations en séance des mêmes députés écologistes.

Si tous les élus de la Nupes, notamment, devaient en séance publique suivre la voie ouverte par les élus écologistes, le projet de loi courrait alors tous les risques de finir en «loi d’accélération du ralentissement des énergies renouvelables».

 

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Cédric PHILIBERT

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Chercheur associé, Centre énergie et climat de l'Ifri

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