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Législatives allemandes : le casse-tête

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interviewé par Fabien Recker pour

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A trois semaines des élections législatives (le 26 septembre 2021), les Allemands sont en plein flou électoral. Aucune force politique ne se dégage suffisamment pour écarter la possibilité d’une future coalition à trois. Chercheur au Centre d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’IFRI, Paul Maurice décrypte les enjeux du scrutin.

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Le coprésident du groupe « Die Linke » au Bundestag, Dietmar Bartsch, a affirmé mercredi qu’Angela Merkel pourrait « encore être chancelière à Noël ». Pourquoi ?

Les mauvaises langues disent même qu’Angela Merkel pourrait saluer le successeur d’Emmanuel Macron... En Allemagne, on gouverne par coalition. Depuis 1957, aucun parti n’a obtenu de majorité absolue aux législatives, et ce sont toujours des coalitions entre deux partis qui ont formé les gouvernements. Depuis ses débuts, Angela Merkel a gouverné dans une coalition avec les sociaux-démocrates du SPD (« grande coalition », ndlr) sauf entre 2009 et 2013, où elle a gouverné avec les libéraux-démocrates du FDP. Après les législatives de septembre 2017, le SPD ne voulait pas recommencer une grande coalition avec la CDU. Angela Merkel s’est alors tournée vers les Verts et les libéraux, mais les négociations ont échoué, et il y a finalement eu une nouvelle coalition avec le SPD. Cela a pris du temps : le nouveau gouvernement CDU/SPD n’a été nommé qu’en mars 2018, soit six mois après le scrutin ! Or, aujourd’hui, aucun parti ne dépasse 25 % dans les sondages, ce qui signifie qu’il n’y aurait pas de majorité pour seulement deux partis. On se dirigerait donc vers une coalition à trois, et des négociations encore plus dures pour former un gouvernement.

 

Quelles coalitions sont possibles, et lesquelles peut-on exclure ?

Plusieurs scénarios sont possibles. Si le SPD arrive en tête, il pourrait former une alliance avec les Verts et les libéraux. Il pourrait aussi s’allier avec la CDU et les Verts, ou encore faire une alliance très à gauche avec les Verts et Die Linke (extrême gauche, ndlr). Les points de divergence avec Die Linke seraient cependant nombreux, essentiellement en matière de politique étrangère (OTAN, relation transatlantique, présence militaire à l'étranger... ) Si la CDU arrive en tête, elle pourrait également pousser pour une coalition avec les libéraux et les Verts. C’est le scénario « Jamaïque » ou « noir-jaune-vert » (référence à la couleur associée à chacun des partis, ndlr). La CDU pourrait aussi faire alliance avec les Verts et le SPD. On est donc face à une configuration très ouverte, qui dépendra du score à l’arrivée. Se posera ensuite la question de la distribution des postes ministériels. En général, le second hérite du poste de ministre des affaires étrangères. Le portefeuille de l’économie et des finances est également très convoité : les Verts voudront l’occuper pour avoir la main sur la relance et les crédits du « green deal ». Mais les libéraux le voudront aussi, en opposition avec les Verts sur le sujet de la dépense publique.

 

Considéré comme le successeur désigné d’Angela Merkel, le candidat de la CDU Armin Laschet est-il en train de rater sa campagne ?

Oui, il est en train de passer à côté. Son élection par les délégués du parti à la tête de la CDU en janvier 2020 avait déjà été compliquée, alors qu’il était en minorité auprès des militants. Ensuite, sa désignation comme candidat commun de l’union entre CDU et CSU (sœur bavaroise de la CDU, ndlr) a fait l’objet d’une guerre fratricide. Markus Söder, patron de la CSU, plus à droite et plus populaire, a tenté de s’imposer, avant de plier au terme de négociations où la CDU était en position de force. Armin Laschet est donc parti avec un socle fissuré à l’intérieur de son propre camp. Pour autant, il a débuté à 30 % dans les sondages. Il a tenté de capitaliser sur le bilan d’Angela Merkel, sans vraiment faire campagne. Les inondations de juillet dernier lui ont porté préjudice. En tant que Ministre-Président de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, l’un des Länders les plus touchés, il aurait pourtant pu en tirer profit. A la place, il a été filmé hilare dans une caserne de pompiers pendant un discours du président de la République Franck-Walter Steinmeier, venu rendre hommage aux victimes. Cet épisode a agi comme un déclencheur, car il est apparu comme n'étant pas à la hauteur de la fonction. Olaf Scholz, le candidat du SPD, par ailleurs ministre fédéral des finances, a su prendre des initiatives pour les victimes des inondations et l’a dépassé dans les sondages.

 

Comment analyser la campagne des Verts ?

Ils sont en bonne position pour participer à une coalition. En 2017, ils n'avaient obtenu que 8 % des voix. Actuellement, ils sont à 19 % dans les sondages, et pourraient donc largement doubler leur score. Ils ont réussi à montrer une unité en désignant comme candidate Annalena Baerbock, une femme, jeune, tandis que Robert Habeck, coprésident du parti, a accepté de se mettre en retrait. En avril, on parlait des Verts à la chancellerie. Depuis, la campagne d’Annalena Baerbock a connu un essoufflement, notamment à cause d’accusations de plagiat à l’encontre de la candidate. Mais les Verts représentent une alternative aux sociaux-démocrates en déclin, tout en grappillant sur l’électorat conservateur. Il faut rappeler qu’ils gouvernent avec la CDU dans le Land du Bade-Würtenberg, et apparaissent dans l'opinion comme des modérés en capacité d'assumer des responsabilités. Avec les libéraux-démocrates du FDP, ils se retrouvent aujourd’hui au centre du jeu pour former une future majorité.

 

>> Cet article est disponible sur le site de Public Sénat.

 

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Paul MAURICE

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