L’édition « Ramses 2024 » invite à refaire le monde
Le Rapport annuel mondial sur le système économique et les stratégies de l’IFRI invite à prendre acte de l’hétérogénéité du monde et se demande à quelles conditions un nouvel ordre international durable pourrait émerger du désordre actuel.
La revue des revues. Le titre de la nouvelle édition 2024 du Rapport annuel mondial sur le système économique et les stratégies (Ramses), dans lequel l’Institut français des relations internationales (IFRI) scrute les réalités d’un système international toujours plus chaotique, sonne comme un défi : Un monde à refaire. Quatre chocs majeurs ont, coup sur coup, depuis 2020, ébranlé les grands équilibres du globe : la pandémie de Covid-19, l’agression russe contre l’Ukraine, la montée des tensions sino-américaines et l’accélération du changement climatique. Les trois premiers, en outre, ont entraîné un évident recul de la mondialisation et une fragmentation croissante.
« A quelles conditions un nouvel ordre international durable pourrait-il émerger du désordre actuel ? », s’interroge, dans une analyse d’introduction quelque peu provocatrice, Thierry de Montbrial, fondateur et président de l’IFRI, qui pourfend ce qu’il considère être les illusions occidentales sur l’exportation de la démocratie libérale.
Il suggère, au nom d’un réalisme revisité, de substituer aux rapports de force entre les puissances « un équilibre fondé sur la reconnaissance des intérêts fondamentaux », où « chacun des acteurs reconnaîtrait la légitimité des intérêts jugés les plus importants par les autres ». Ce serait prendre acte de l’hétérogénéité d’un monde où le poids de l’Occident décline, au risque, toutefois, d’entériner les pires dérives des nouveaux pouvoirs autoritaires à Pékin, Moscou, Ankara ou ailleurs.
Un Sud global décidé à peser
Rien, pour le moment, ne semble pouvoir mettre un terme à la confusion ni à la guerre en Ukraine qui s’installe dans la durée.
« Blocage sur de vieux réflexes aussi pour les Européens, qui font de la défense de l’Ukraine, à juste titre, leur objectif actuel, mais semblent chausser les seules lunettes de cette guerre pour envisager le monde », note Dominique David, en relevant la colère montante d’un Sud global bien décidé à peser.
Le symbole de ces pays émergents est l’Inde, avec son multi-alignement revendiqué, tout à la fois partenaire de la Chine au sein des BRICS, élargis à onze membres, mais aussi rivale de celle-ci et resserrant ses liens avec les Etats-Unis. Pays désormais le plus peuplé du monde, l’Inde entend s’affirmer toujours plus sur la scène internationale, et l’année 2023 – où elle a présidé à la fois le G20 et l’organisation de la conférence de Shanghaï – lui a donné une visibilité maximale.
Néanmoins, ses choix diplomatiques restent largement dictés par des considérations de politique intérieure. « Assiste-t-on à l’émergence d’une puissance de premier plan ou l’Inde est-elle seulement une puissance moyenne qui fait beaucoup parler d’elle ? », s’interrogeait Isabelle Saint-Mézard, universitaire et spécialiste de l’Asie du Sud, lors de la présentation du Ramses, soulignant que ce pays, avec un revenu annuel par tête de 2 200 dollars (2 087 euros), reste encore loin derrière la Chine (12 500 dollars). Ce qui ne l’empêche pas de vouloir compter dans sa région, et bien au-delà.
« Ramses (Rapport annuel mondial sur le système économique et les stratégies) 2024. Un monde à refaire », sous la direction de Thierry de Montbrial et Dominique David, Dunod/IFRI, 376 pages, 32 euros (27 euros jusqu’au 31 octobre)
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