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Le président nigérian en route pour un deuxième mandat malgré un bilan en demi-teinte

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Faute de successeur crédible, les dirigeants du parti au pouvoir se rangent majoritairement derrière Muhammadu Buhari.

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Alors que Muhammadu Buhari a récemment multiplié les visites aux quatre coins du Nigeria, d’aucuns le soupçonnaient de venir chercher le soutien du plus grand nombre de gouverneurs dans la perspective des élections de février 2019. Depuis le lundi 9 avril, c’est officiel : le président veut rempiler pour quatre ans. Mais ce désir de porter les couleurs du parti au pouvoir, l’All Progressives Congress (APC), qui devra être confirmé lors d’une primaire quasiment jouée d’avance, est loin d’être un signe positif pour la démocratie nigériane, en panne de renouvellement.

Déjà président entre 1983 et 1985, Muhammadu Buhari, 75 ans, n’avait pas laissé que des souvenirs positifs, n’ayant pas été tendre avec les nombreux opposants à son régime militaire issu d’un coup d’Etat. Elu en 2015, de justesse, face à son prédécesseur, Goodluck Jonathan, M. Buhari a rencontré de nombreuses difficultés lors de son deuxième passage au palais d’Aso Rock. Les deux principaux thèmes de sa campagne électorale de 2014-2015, la lutte contre la corruption et la mise hors d’état de nuire du groupe terroriste Boko Haram dans le nord-est du Nigeria, ont connu des succès divers lors des trois dernières années.

Les attentats n’ont pas cessé

En l’absence d’une réforme profonde du système judiciaire, la Commission nigériane contre les délits économiques et financiers (EFCC) a bien traqué les « pilleurs » des précédents régimes, mais elle s’est le plus souvent bornée à faire rembourser une partie des sommes détournées. Très peu de peines de prison ont été prononcées et encore moins ont été appliquées.

Quelques rares têtes d’affiche de l’ancien régime de Goodluck Jonathan, comme l’ancien conseiller à la sécurité nationale, Sambo Dasuki, sont en prison à la suite de versements de commissions à plusieurs hommes politiques dans le cadre de contrats d’armement. Mais le système judiciaire actuel au Nigeria profite à l’élite fortunée capable de s’offrir des avocats sachant empêcher quasi systématiquement la prison à leurs clients. Le retour d’une partie de l’argent volé dans les caisses de l’Etat ne dissuadera pas les pratiques corruptives futures, étant donné l’absence de punition.

Concernant la lutte contre Boko Haram, le bilan de Muhammadu Buhari est a priori plus positif. Le mouvement, qui avait basculé dans un terrorisme ultra-violent à la suite de la mort de son fondateur, Mohamed Yusuf, et d’un millier de ses disciples en 2009, avait été particulièrement ignoré par Goodluck Jonathan. Désormais, le groupe ne contrôle plus de territoires. Cependant, force est de constater que les attentats n’ont pas cessé, ni les kidnappings, comme celui d’une centaine de lycéennes en février à Dapchi (Etat de Yobe), quatre ans après celui, retentissant, de Chibok, lors duquel 276 filles avaient été faites prisonnières.

La désorganisation des services de renseignement et de l’armée reste patente. L’administration nigériane a du mal à expliquer comment des convois de pick-up peuvent parcourir des centaines de kilomètres avec des dizaines d’étudiantes sans être jamais interceptés par les forces de sécurité. Si la plupart des jeunes filles de Dapchi ont été libérées après négociations, il n’en reste pas moins qu’il est difficile de donner du crédit aux propos du chef de l’Etat clamant que Boko Haram est « techniquement vaincu ».

Multiplication des crises

Malgré ce bilan plutôt en demi-teinte, auquel on pourrait ajouter une économie très affaiblie par la baisse des prix du pétrole, une politique monétaire illisible et la multiplication des crises dans le delta du Niger (infrastructures pétrolières prises pour cible) et dans les Etats septentrionaux (violences entre éleveurs et agriculteurs), Muhammadu Buhari va se représenter. S’il a des opposants à la primaire, le passage à l’opposition de son principal rival, l’ancien vice-président Atiku Abubakar, en 2017, lui facilitera considérablement la tâche.

Incapables de trouver un successeur crédible, les dirigeants de l’APC sont majoritairement derrière l’actuel locataire d’Aso Rock. Buhari a été le premier à réunir sur son nom la quasi-totalité du vote nordiste, majoritairement haoussa, ainsi qu’une grande majorité des Yoruba (sud-ouest), leur adhésion ayant été gagnée grâce au volontarisme de l’ancien gouverneur de Lagos et principal pilier de l’APC, Bola Tinubu. Ce dernier, qui n’a jusqu’à présent pas réussi à influencer les décisions de M. Buhari, a cette fois-ci posé ses conditions pour son soutien à un deuxième mandat.

Faute d’autre candidat permettant de réunir les suffrages du nord et du sud-ouest du Nigeria, Muhammadu Buhari reste pour l’APC, et ce malgré ses échecs, la meilleure chance de victoire en 2019. Le changement générationnel ne viendra donc probablement pas avant 2023.

 

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Benjamin AUGÉ

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