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La vision du futur des États-Unis

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En mars dernier, le National Intelligence Council (NIC) américain a publié la septième édition de ses Global Trends 1 . Cet exercice de prospective, qui mobilise la communauté du renseignement américain, mérite attention dans la mesure où il traduit une vision du monde et contribue à la construction d’un récit sur la mondialisation.

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Premier document de cette nature de l’administration Biden, il identifie quatre forces structurelles : la démographie, l’environnement, l’économie et la technologie. Ces forces sont croisées avec les dynamiques émergentes sur les plans sociétal, étatique et international. Suivent cinq scénarios possibles à l’horizon de 2040, établis en fonction de trois questions : quels sont les effets des défis globaux imminents ? la nature des interactions entre acteurs étatiques et non étatiques ? l’ordre des priorités choisies par les États ?

Le premier scénario envisage une renaissance des démocraties sous le leadershipdes États-Unis et de leurs alliés. Il repose sur la perspective d’un changement technologique rapide engendré par des partenariats entre public et privé, capables de transformer l’économie globale, de générer de la croissance et, ainsi, d’améliorer la qualité de vie du plus grand nombre. À l’inverse, les contrôles exercés en Chine et en Russie étouffent l’innovation et paralysent leur développement. Ce scénario perpétue le principe d’un lien insécable entre ouverture politique et innovation technologique.

Le deuxième scénario prévoit un monde à la dérive, sans gouvernance et sans règles communes, en raison notamment de l’inefficacité des organisations internationales. Dans cette optique, les pays de l’OCDE connaissent une faible croissance, qui génère de profondes divisions sociales et une paralysie politique. La Chine exploite cette situation pour étendre son influence internationale. Les défis globaux ne sont pas traités, ce qui ouvre des espaces à des acteurs non étatiques agissant sans coordination. Avec, pour conséquence, une accélération de la dégradation environnementale.

Le troisième scénario imagine une coexistence compétitive entre les États-Unis et la Chine. Les deux puissances cherchent à renouer avec une croissance soutenue en restaurant leurs relations commerciales. Leur interdépendance économique n’empêche pas la compétition en matière d’influence politique, de modèle de gouvernance et d’innovation technologique. Cette configuration rend le risque de guerre frontale faible, tout en permettant de répondre aux défis globaux par un minimum de coopération internationale. C’est implicitement le scénario privilégié par le NIC.

Le quatrième scénario dessine un monde fragmenté en blocs économiques et de sécurité de tailles et de forces différentes autour des États-Unis, de la Chine, de l’Union européenne, de la Russie et de quelques puissances régionales. Cette organisation en silos limite le commerce international, tout en entraînant une régionalisation des chaînes de valeur et d’échanges d’information. Les pays en développement risquent d’être piégés dans des entre-deux. Cette configuration accentue la pression sur les ressources.

Le dernier scénario envisage une coalition mondiale dirigée par la Chine et l’Union européenne, soutenue par des ONG environnementales, pour redynamiser les organisations internationales. Cette coalition voit le jour après une catastrophe alimentaire majeure provoquée par un événement climatique. Elle entraîne une aide massive des pays riches vers les pays pauvres avec, notamment, des transferts technologiques. Ce scénario est le plus inattendu dans la mesure où il repose sur un partenariat entre les partis politiques progressistes européens et le parti communiste chinois : les premiers prônant le développement durable alors que le second finance les technologies d’énergie bas carbone. Il place les États-Unis en spectateurs.

Le rapport souligne une tendance de fond préoccupante : un déséquilibre appelé à s’accentuer entre l’amplitude des défis identifiés et la capacité des institutions à y faire face. Il anticipe une multiplication des phénomènes de contestation à tous les niveaux du système. Ces contestations porteront principalement sur les affiliations identitaires. Pour y répondre, le rapport estime que la capacité d’adaptation devient un impératif et un avantage pour tous les acteurs. Après la transformation, l’adaptation est en train de devenir le maître mot de la stratégie américaine.

 
NOTES :
1 National Intelligence Council, Global Trends 2040. A More Contested World, mars 2021.
 
> Chronique parue dans la revue Études
 
 
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Thomas GOMART

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