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La Pologne touchée par un missile ? « Cela réactive la crainte d’un embrasement du conflit »

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interviewé par Margaux Otter dans

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Une frappe a atterri mardi en Pologne, causant la mort de deux personnes. Une explosion survenue alors que les forces russes bombardaient l’ensemble du territoire ukrainien. L’hypothèse d’un tir ukrainien accidentel est privilégiée. Décryptage avec le chercheur Dimitri Minic.

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Frederic Legrand - COMEO/Shutterstock
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Un missile a tué mardi 15 novembre deux personnes dans le village polonais de Przewodow, près de la frontière avec l’Ukraine, lourdement bombardée par l’armée russe. L’explosion a réveillé le spectre d’une escalade régionale et d’une implication directe de l’Otan face à Moscou. Mais ce risque s’est éloigné mercredi. Varsovie a estimé, par la voix du président Andrzej Duda, « hautement probable » qu’il s’agisse d’un « accident malheureux » dû à un projectile de la défense antimissile ukrainienne.

Cet incident pourrait-il envenimer la situation ? Entretien avec Dimitri Minic, chercheur au centre Russie/NEI de l’Institut français des Relations internationales (Ifri).

Ce missile tombé en Pologne vous inquiète-t-il ?

Ce ne sont visiblement pas des frappes russes mais le fruit de la défense antimissile ukrainienne qui faisait face hier à une attaque russe massive de missiles de haute précision et de drones. Certes les S-300 sont de fabrication russe, mais il se trouve que l’Ukraine utilise beaucoup d’équipements militaires de fabrication russe. Ce qui aurait été inquiétant (et qui pourrait tout à fait se produire), c’est une provocation russe caractérisée pour tenter de désunir l’OTAN et de diminuer l’aide militaire occidentale à l’Ukraine pour compenser les défaites russes qui se multiplient sur le terrain en Ukraine.

Quels scénarios peuvent l’expliquer ? Peut-il s'agir d'une frappe intentionnelle ?

C’est très probablement involontaire de la part de l’armée ukrainienne. Cela réactive la crainte d’un embrasement du conflit, dont on imagine depuis le début de la guerre que la Pologne pourrait être une des premières victimes. Et ironiquement, alors que la Russie cherche depuis le début à semer le doute et des dissensions au sein de l’OTAN afin d’isoler l’Ukraine, c’est un incident (probablement) involontairement provoqué par celle-ci, qui serait le plus susceptible de déstabiliser le « bloc occidental ».

Cet évènement peut donc être perçu par les élites politico-militaires russes comme un miracle inespéré, eux qui viennent d’essuyer une lourde défaite à Kherson et qui auraient quitté Nova Kakhovka hier. Parallèlement, des hauts responsables russes, comme Dimitri Medvedev, voient dans cet incident une machination occidentalo-ukrainienne visant à trouver un prétexte pour déclencher la Troisième Guerre mondiale, nourrissant ainsi les délires analytiques des élites russes et le discours anti-occidental, catastrophiste et anxiogène qu’elles diffusent dans l’environnement informationnel russe et mondial.

Cependant, les espoirs et les craintes de Moscou ont vite été démentis par le réel : non seulement les Occidentaux semblent rester solidaires et désireux d’aider l’Ukraine (Biden a demandé au Congrès 37 milliards supplémentaires pour soutenir Kiev), mais ils veulent aussi éviter l’extension du conflit.

Selon la Pologne, il s'agit d’un incident « isolé ». Quand bien même, quelle peut être la réponse du pays ?

La Pologne devrait activer l’article 4 du Traité de l’Atlantique nord, qui prévoit des consultations entre les membres de l’OTAN au cas où l’un d’eux estime son intégrité, son indépendance ou sa sécurité menacées. Varsovie ne cherchera certainement pas à blâmer l’Ukraine car les Polonais, les pays Baltes et les Etats-Unis sont bien conscients que tout cela est une conséquence de l’agression russe, et que toute dissension au sein de l’OTAN renforcerait Moscou.

La posture ukrainienne est en revanche étrange, puisque les plus hauts responsables politiques, dont le président et le ministre des Affaires étrangères accusent la Russie d’avoir provoqué cet incident (ce qu’il ne faut certes pas exclure définitivement à ce stade) alors que les Alliés ont plutôt évoqué la responsabilité de l’armée ukrainienne. Kiev n’a peut-être pas encore recueilli les données et mené les enquêtes adéquates. La pression de la guerre est telle que le gouvernement ukrainien essaye peut-être aussi d’augmenter la pression occidentale sur Moscou en accusant ce dernier par défaut.

Quelles que soient les raisons de la posture ukrainienne, elle s’inscrit dans la continuité de la stratégie adoptée par Kiev depuis le début du conflit, à savoir garder l’Occident sous tension pour maintenir et même augmenter les livraisons d’équipements militaires à l’Ukraine que Zelensky sait déterminants. Cette stratégie a probablement été mal appliquée hier et a contribué à renforcer les discours prorusses ainsi que l’image (certes fausse) de victime que la Russie, pour l’instant perdante du conflit, commence progressivement à avoir.

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> Retrouvez l'intégralité de l'interview sur l'Obs

 

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Dimitri MINIC

Dimitri MINIC

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Chercheur, Centre Russie/Eurasie de l’Ifri

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