La mer d'Oman, artère géostratégique où transite un cinquième du pétrole mondial
Une attaque mystérieuse sur deux tankers ce jeudi matin en mer d'Oman a fait flamber les cours de l'or noir. Ces eaux au sortir du Golfe Persique voient transiter un cinquième du pétrole mondial sous l'oeil des marines iranienne et américaine.
L'artère la plus importante de la planète en matière d'hydrocarbures. La mer d'Oman, où a eu lieu la mystérieuse attaque de ce jeudi matin contre deux pétroliers, un norvégien et un japonais, voit transiter presque un cinquième du pétrole consommé dans le monde. Soit 18 millions de barils par jour. Ce qui explique que le prix du pétrole a aussitôt bondi.
Une escalade contrôlée
Ces incidents, soldés par l'évacuation des deux équipages tandis que sévissait un incendie sur le tanker Front Altair, sont selon une note du cabinet Capital Economics « le dernier signe d'une aggravation des tensions géopolitiques dans la région » entre Téhéran d'une part, et les Etats-Unis, alliés à l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, d'autre part. Le 12 mai, quatre navires, deux saoudiens, un émirati et un norvégien, avaient déjà subi des actes de sabotage mineurs, en mer d'Oman. Une enquête de l'ONU avait conclu à l'implication d'un « acteur étatique » que Riyad et Washington estiment être l'Iran.
Capital Economics ajoute que s'accroît le risque « d'un conflit pur et simple » qui « pourrait avoir des effets indirects majeurs sur l'économie mondiale. » Fawaz Gerges, spécialiste du Moyen-Orient à la London School of Economics, estime que cette attaque constitue « une escalade contrôlée et calculée de l'Iran et de ses alliés qui veulent envoyer un message au monde » selon lequel il « a les moyens d'infliger des dommages considérables au secteur pétrolier ». Le Conseil de sécurité de l'ONU devait tenir jeudi soir, à la demande des Etats-Unis, une réunion d'urgence à huis clos sur ces incidents.
L'économie iranienne déstabilisée
L'économie iranienne est déstabilisée par les sanctions imposées par l'administration Trump , qui a dénoncé unilatéralement il y a treize mois l'accord international sur le nucléaire iranien. Toute entreprise achetant du pétrole iranien peut être poursuivie par la justice américaine. Les exportations de pétrole iranien sont tombées à 750-900.000 barils par jour, essentiellement à destination de la Chine, contre 2,6 millions de barils par jour (Mbj) il y a un an. Une situation dramatique pour Téhéran dont les hydrocarbures fournissent la quasi-totalité des recettes en devises.
Des menaces très régulières
Téhéran laisse planer depuis des mois la menace de bloquer le détroit d'Ormuz, qui débouche sur la mer d'Oman. Une menace qu'il a déjà brandie, dans un autre contexte, en 2011, 2012, 2016 et 2018 sans jamais passer à l'acte. Il est vrai que, ce faisant, il se tirerait un peu une balle dans le pied puisque la majorité de ses exportations de pétrole passent précisément par là. En outre, du fait de sa faible profondeur, le détroit ne compte que deux voies navigables pour les tankers, larges d'à peine 2 miles, qui se trouvent pour l'essentiel dans les eaux du sultanat d'Oman. Y déployer des mines ou intercepter des tankers serait donc un acte de guerre qui susciterait automatiquement une riposte des Etats-Unis.
Ces derniers disposent dans le secteur de la cinquième flotte, forte du porte-avions Abraham Lincoln, de démineurs et d'un croiseur, en sus de B52 et de bases aériennes à Oman et Bahreïn. De surcroît, estime Marc-Antoine Eyl Mazzega, spécialiste du dossier à l'Institut français des relations internationales, « l'Arabie saoudite, d'une capacité de production d'au moins 11,5 Mbj, dispose d'oléoducs qui lui permettraient de maintenir jusqu'à 70 % de ses exportations via la Mer rouge ».
L'Irak et les Emirats arabes unis disposent aussi d'alternatives via des oléoducs. Il estime que la situation risque peu de « déraper en conflit ouvert tant que se maintient un processus politique de dialogue », ce qui serait le cas avec notamment la médiation du Premier ministre japonais, Shinzo Abe, arrivé précisément à Téhéran la veille de l'incident.
Yves Bourdillon
> Lire l'article sur le site des Echos
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