La guerre en Ukraine risque-t-elle de freiner la lutte contre le dérèglement climatique ?
Officiellement, la transition énergétique reste la priorité. Mais pour se défaire des combustibles russes et répondre à l’envolée des prix de l’énergie, les grandes économies cherchent déjà à relancer la production de charbon, de pétrole et de gaz.
« Nous marchons les yeux fermés vers la catastrophe climatique » et la guerre en Ukraine renforce cette « folie ». Dans une mise en garde plus saisissante que jamais, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a résumé l’inquiétude de nombreux observateurs : le conflit ouvert par la Russie risque-t-il de porter un coup fatal à l’ambition climatique ?
Alors que le monde est ébranlé par la flambée des prix de l’énergie et par la nécessité de se défaire le plus rapidement possible de sa dépendance aux combustibles fossiles russes, les gouvernements font face à un défi inédit : agir, à court terme, pour garantir à des centaines de millions de citoyens la possibilité de continuer à se chauffer et faire fonctionner leurs économies, tout en accélérant les efforts pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
Dans l’immédiat, la priorité des grandes économies est de relancer la production de charbon, de pétrole et de gaz pour remplacer les millions de barils exportés chaque jour par les Russes. « Ces mesures à court terme risquent de créer une dépendance à long terme aux combustibles fossiles et de rendre impossible la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C », a averti M. Guterres, lundi 21 mars. Les pays « obnubilés » par cet approvisionnement pourraient « négliger ou mettre à genoux les politiques visant à réduire l’utilisation » de ces mêmes combustibles.
A l’issue d’une réunion des ministres de l’énergie, jeudi 24 mars, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a exprimé les mêmes inquiétudes. « Nous devons faire extrêmement attention à ce que la lutte contre le dérèglement climatique ne soit pas une nouvelle victime de la guerre menée par la Russie, a souligné Fatih Birol. Le secteur de l’énergie est à un tournant historique. Les craintes concernant la sécurité d’approvisionnement doivent être un élément supplémentaire pour nous pousser à atteindre nos ambitions climatiques. »
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Carole Mathieu, responsable des politiques européennes au centre énergie et climat de l’Institut français des relations internationales (IFRI), décrit ce que pourrait être le « scénario du pire » pour le climat : un secteur industriel qui aurait un recours accru au charbon, des mesures de blocage des prix non ciblées qui ne permettraient pas de réduire les niveaux de consommation, mais aussi des surinvestissements dans des infrastructures de gaz naturel liquéfié (GNL). De tels investissements risqueraient d’enfermer les économies dans ces technologies basées sur des combustibles fossiles.
« On sait que ces infrastructures ont vocation à être utilisées pendant des décennies, relève l’experte. Et l’empreinte carbone du GNL est plus lourde que celle du gaz transporté par gazoducs. »
Or, selon l’AIE, atteindre la neutralité carbone en 2050 implique de ne plus investir dès aujourd’hui dans de nouvelles installations pétrolières ou gazières.
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Cette crise pourrait-elle aussi avoir un impact sur les comportements et les usages ? La réduction de la consommation d’énergie, par l’efficacité mais aussi par la sobriété, apparaît comme l’un des leviers les plus efficaces pour faire face à la crise à court terme, tout en bénéficiant à la trajectoire climatique.
« On n’a pas réussi à mettre en place une société de la sobriété pour faire face au dérèglement climatique. Si on n’y arrive pas non plus au nom de la liberté et de la sécurité, alors on n’y arrivera jamais », prédit Marc-Antoine Eyl-Mazzega, le directeur du centre énergie et climat de l’Ifri.
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