La crise dans le Golfe "met tout le monde dans l'embarras"
La crise sans précédent entre le Qatar et quatre de ses voisins, dont l'Arabie saoudite, met nombre de pays dans l'embarras, dont la France qui entretient de bonnes relations avec les deux rivaux, selon Denis Bauchard, chercheur à l'IFRI (Institut français des relations internationales).
L'Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Yémen, l'Egypte et les Maldives ont rompu lundi toute relation diplomatique et commerciale avec le petit émirat du Qatar, accusé de "soutenir le terrorisme".
Pourquoi cette crise brutale entre le Qatar et ses voisins?
Les relations entre le Qatar et l'Arabie saoudite ont toujours été mauvaises dans les années récentes, en raison de la télévision qatarie Al-Jazira (vecteur de la diplomatie de Doha), du soutien de Doha aux printemps arabes et aux Frères musulmans...
Mais cette crise là est particulière, car elle est la retombée du voyage triomphaliste il y a quinze jours de Donald Trump en Arabie Saoudite. Le président américain a fait un amalgame entre (les groupes jihadistes) Daech, el-Qaëda, et l'Iran, et il a quasiment appelé à un changement de régime à Téhéran, marquant une rupture brutale avec les années Obama.
Ce discours a été prononcé devant une cinquantaine de hauts responsables de pays musulmans, dont un certain nombre ont été agacés et ont eu un peu l'impression d'être pris en otage. Particulièrement le Qatar, mais aussi Oman, le Koweït, qui ne sont pas forcément d'accord avec cette approche très dure vis à vis de l'Iran. Le Liban, l'Irak, qui entretiennent des relations serrées avec Téhéran, mais aussi l'Algérie ou un pays musulman comme le Pakistan qui a une forte minorité chiite, sont aussi en complet désaccord avec cette stratégie.
Comment analysez-vous les réactions prudentes et les multiples tentatives de médiation ?
La rupture avec Doha a sans doute été une initiative de Mohammed Ben Salmane (vice-prince héritier d'Arabie saoudite), qui joue à plein la réconciliation avec Washington. Mais cette décision a vraisemblablement été prise sans l'aval des Etats-Unis.
Tout ceci met tout le monde dans l'embarras, y compris les Etats-Unis, car le Qatar abrite la plus grande base aérienne américaine dans la région. L'attitude générale va être d'éviter de prendre partie dans la querelle et d'inciter tout le monde à s'entendre.
Et la France ?
La France est également embarrassée. Elle a plutôt de bonnes relations avec le Qatar. C'était très ostentatoire sous Sarkozy (Nicolas Sarkozy, président de 2007 à 2012, ndlr), qui jouait le "tout Qatar". Son successeur François Hollande (2012-2017) a ensuite effectué un rééquilibrage en direction de l'Arabie saoudite, il avait été reçu en grande pompe à Riyad en 2015. Mais les retombées du rapprochement se font attendre. Paris avait annoncé des contrats de 10 milliards de dollars avec Riyad en 2015. Peu de ces contrats ont été finalisés. Et après le voyage de Trump (et ses annonces de contrats mirifiques de 380 milliards de dollars avec l'Arabie saoudite, ndlr), on se demande ce qui va rester pour les autres!
Dans le même temps, la relation avec Doha est restée bonne. Et cela a été symbolisé par la vente en 2015 des Rafale, un contrat dont l'artisan était d'ailleurs Jean-Yves le Drian, alors ministre de la Défense (et aujourd'hui chef de la diplomatie).
Lire l'interview dans L'orient Le Jour
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