A la COP 27, les prémices d’une diplomatie verte européenne
Le leadership européen devra encore s’affirmer pour que le nouvel instrument financier proposé, visant à compenser les pertes et préjudices liés au réchauffement climatique, fonctionne
Les faits
La conférence de Charm el-Cheikh de 2022 sur les changements climatiques (COP 27) s’est conclue dimanche matin. Les 196 pays représentés ont reconnu pour la première fois la nécessité d’aider financièrement les pays les plus vulnérables à faire face aux dégâts causés par le réchauffement climatique via la création d’un nouveau fonds. Ils ont néanmoins échoué à avancer vers le retrait des énergies fossiles. « Ce n’est pas un pas en avant suffisant pour les peuples et la planète », a déploré dimanche matin Frans Timmermans. Dans un discours très sombre, le vice-président exécutif de la Commission européenne, négociateur de l’UE à Charm el-Cheikh, a fustigé le manque « d’efforts supplémentaires des plus grands émetteurs de CO2 pour accélérer leurs réductions d’émissions ». L’édition égyptienne de la conférence onusienne marque ainsi de prime abord une étape décevante dans la lutte mondiale contre le réchauffement climatique et une défaite pour le leadership de l’UE, confirmant sa difficulté à transformer en arme diplomatique le crédit politique que lui octroient ses efforts climatiques. Ni l’annonce par Frans Timmermans de l’augmentation de l’objectif de réduction des émissions européen de 55 à 57% à l’horizon 2030, ni ses demandes de mise en place d’un objectif de pic global des émissions en 2025, ni même sa volonté de promouvoir la réduction de l’utilisation des énergies fossiles n’ont ainsi réussi à susciter la mobilisation des plus grands émetteurs.
Ce bilan n’a toutefois rien de très étonnant, selon Thibaud Voïta, chercheur associé du Centre énergie et climat de l’Ifri : « Les énergies fossiles, qui figuraient pour la première fois dans les conclusions de la COP 26, ont disparu, mais ce n’est pas vraiment une surprise, explique-t-il. La dépendance est telle dans le monde, y compris dans l’UE, qu’une avancée vers la suppression de leur utilisation pouvait difficilement être envisagée. Quant au pic des émissions en 2025 défendu par l’UE, il paraissait trop ambitieux. » Sous les coups de boutoir de la Chine et des pays du Golfe, l’ambition a ainsi progressivement déserté le texte final, au grand dam d’une UE impuissante.
« L’Europe a dû batailler pour maintenir l’ambition de l’année dernière, mais cela est insuffisant pour atteindre les objectifs climatiques, résume l’eurodéputé néerlandais du groupe vert, Bas Eickhout. 2022 a donc été une année perdue pour le climat. Sur la question des pertes et préjudices, l’UE a toutefois montré du leadership et évité l’impasse en se déclarant en faveur d’un fonds. Résultat : la COP est parvenue à quelque chose malgré tout. » Instrument. Jeudi, Frans Timmermans a en effet créé la surprise, non seulement en soutenant la création de ce fonds réclamé par les pays du sud, mais en faisant de surcroît une proposition concrète d’instrument financier, à l’intention uniquement des pays ayant amorcé leur transition climatique, et alimenté par les plus grandes économies mondiales dont la Chine. Si l’UE a réussi à emmener les Etats-Unis, au départ très réticents, le résultat de ce mouvement diplomatique s’avère néanmoins mitigé
« L’UE a été assez exemplaire, pour une fois, apprécie Thibaud Voïta. Le revirement de jeudi n’était pas si spectaculaire que cela, dans la mesure où plusieurs pays européens s’étaient dits prêts à fournir un soutien ces dernières semaines. Pour autant, l’UE a joué un jeu assez fin en appelant les Etats-Unis et la Chine à participer. C’est une manière intelligente de mettre la Chine dos au mur, face à la responsabilité climatique que lui donne son niveau d’émissions. »
Si l’UE a réussi à emmener les Etats-Unis, au départ très réticents, le résultat de ce mouvement diplomatique s’avère néanmoins mitigé. Les 196 Etats représentés ont ainsi pour la première fois reconnu la nécessité d’aider financièrement les pays les plus vulnérables à faire face aux dégâts causés par le réchauffement climatique via un nouveau fonds, mais leurs conclusions ne vont pas plus loin.
« Il est beaucoup trop tôt pour parler d’avancée historique, comme a pu le faire la présidence égyptienne, souligne Thibaud Voïta.
On annonce ce nouvel instrument alors que la COP 27 devait se focaliser sur la mise en œuvre de ce qui existe déjà. Par exemple, le fonds pour le climat, qui existe depuis des années, ne fonctionne pas car il dépend de processus administratifs beaucoup trop lourds, qui prennent deux à trois ans. Ce nouveau mécanisme peut donc apparaître comme une annonce de plus. » Le leadership européen dont a témoigné cette séquence devra donc encore s’affirmer pour que le nouvel instrument financier fonctionne rapidement, correctement, et soit suffisamment alimenté. L’UE devrait par ailleurs bientôt disposer d’une autre occasion de confirmer sa capacité à exporter son ambition climatique avec la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, qui est en phase finale de négociation à Bruxelles. Parvenir à pénaliser les produits importés dans l’UE en fonction de leur empreinte carbone marquerait un bond en avant dans l’utilisation du marché européen comme levier climatique, mais exposerait aussi l’UE à des sanctions commerciales de ses partenaires, dont beaucoup sont vent debout contre l’initiative.
> Article de Mathieu Solal, disponible dans l'Opinion
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