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"La Chine a tous les leviers pour discuter à la fois avec Moscou et Kiev"

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invité de la Matinale de

  France Inter
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Emmanuel Macron a annoncé samedi qu'il se rendrait en Chine "début avril", en appelant Pékin à "nous aider à faire pression sur la Russie" afin de "stopper l'agression" et "bâtir la paix". Marc Julienne, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI) est l'invité du grand entretien de France Inter avec Éric Delvaux et Carine Bécard.

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"Jusqu'à maintenant la Chine n'a rien proposé de concret. Elle vient de publier un plan de paix mais pour le moment la Chine a plutôt intérêt à rester le plus possible en dehors du conflit. Elle a beaucoup à perdre à s'impliquer et elle n'a pas grand chose à gagner", estime Marc Julienne, chercheur à l’Institut français des relations internationales.

La Chine a, en effet,  avancé vendredi un document en 12 points dans lequel elle exhorte les deux belligérants au dialogue, insiste sur le respect de l'intégrité territoriale et s'oppose à tout recours de l'arme nucléaire. 

"La Chine a tous les leviers pour discuter à la fois avec Moscou et Kiev (...) le problème ce n'est pas son incapacité mais son manque de volonté", dit-il. "La Chine a un discours de neutralité qui promeut les pourparlers et le cessez-le-feu".

"La Chine défend le principe de souveraineté"

"Il y a tout un discours sur l'amitié" avec la Russie, analyse Marc Julienne. Un discours qui permet surtout de défendre les intérêts des deux pays.

"Il y a un grand nombre de sujets sur lesquels ils ne sont pas d'accord. Même la guerre en Ukraine, la Chine ne dit rien et soutient tacitement et politiquement Moscou mais en réalité la Chine défend le principe de souveraineté", explique Marc Julienne.

Quant à une potentielle livraison d'armes de la Chine pour la Russie, annoncé par les Etats-Unis, "cela me semblerait contradictoire avec la position de la Chine depuis le début, cela me semblerait contre ses intérêts", dit Marc Julienne. "Les Américains soufflent un peu le chaud et le froid", remarque le spécialiste.

"Si la Chine se met à soutenir militairement la Russie, on change complètement de paradigme (...) Ce serait un virage important, ce serait complètement contradictoire avec les positions de la Chine depuis le début du conflit. La Chine ne pourrait plus revendiquer une neutralité. Ce qui va se passer aussi, c'est que les Etats-Unis et le reste de la communauté internationale imposeraient des sanctions contre la Chine et dans le contexte économique actuel de la Chine, ce serait grave", explique Marc Julienne.

Selon la Chine, assure le spécialiste, "ce sont les Etats-Unis qui fournissent les armes. Ce sont les Etats-Unis qui mettent de l'huile sur le feu et ils considèrent même que ce sont les Etats-Unis qui sont presque à l'origine de ce conflit."

"Une escalade" des tensions entre les Etats-Unis et la Chine

Au sujet des relations entre les Etats-Unis et la Chine, "on peut parler d'escalade depuis plusieurs années", selon Marc Julienne. "Cela peut déraper dans le détroit de Taiwan", dit-il. "Il y a toujours un risque de dérapage ne serait-ce que par un accident ou incident", selon lui.

Ce conflit est surtout économique et technologique, "l'économie est un levier pour les Américains pour entraver le système d'innovation chinois", les semi-conducteurs "sont vraiment le cœur du réacteur", assure Marc Julienne. "Taiwan est en réalité une grande puissance économique dont tout le monde est dépendant, c'est pour cela qu'un conflit à Taiwan concernerait toute la communauté internationale."

"On voit des signaux de ressentiments très forts" à l'intérieur de la Chine

Sur la situation économique en Chine, Marc Julienne constate un éclatement de la "bulle immobilière" alors que l'immobilier représente 25% du PIB de la Chine. La conséquence : une contestation, également liée aux restrictions décidées pendant la pandémie de Covid-19.

"On voit des signaux de ressentiments très forts. 2022 a été la pire année pour les Chinois", dit-il. "Les autorités chinoises qui expliquaient être un modèle en terme de gestion de crise sanitaire ont en réalité été les dernières à sortir du Covid."


Difficile de dire si ce ressentiment va avoir des conséquences politiques. "Il y a un risque de remise en cause du contrat social de la Chine, qui existe depuis les années 1980 (...) Avec le Covid et les perspectives économiques, ce contrat social est en train de s'effriter", analyse Marc Julienne. Il constate aussi "une phase de fermeture" de la Chine. "Les perspectives sont assez sombres", selon lui.

 

>> Retrouver le podcast de l'émission sur le site de France Inter ou sur Youtube.

 

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Marc JULIENNE

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Directeur du Centre Asie de l'Ifri