Kadyrov, Poutine, Loukachenko : pourquoi la santé de ces dirigeants fait l’objet d’autant de rumeurs
L’état de santé du leader tchétchène est au centre de toutes les attentions ces derniers jours. Comme, avant lui, celle des présidents russe et biélorusse, et même des dirigeants soviétiques et des tsars.
À en croire certains observateurs, Ramzan Kadyrov a un pied dans la tombe. Vendredi 15 septembre, des sources au sein de la diaspora tchétchène, confirmées par les renseignements ukrainiens, indiquaient que le dirigeant était dans le coma, «gravement» malade. Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes se sont fait l’écho de ces rumeurs persistantes, les justifiant par sa supposée admission dans une clinique de Moscou et la présence de nombreuses voitures immatriculées en Tchétchénie devant ce même hôpital.
Ce week-end, le leader de l’opposition tchétchène en exil annonçait même la mort du fidèle allié de Vladimir Poutine. Pourtant, aucune preuve tangible ne vient étayer ces thèses à l’heure actuelle. Dans une vidéo publiée dimanche, Kadyrov, le visage visiblement gonflé, s’est d’ailleurs moqué de ces déclarations, sans qu’il soit possible de dater le document : «Je conseille vivement à tous ceux qui ne parviennent pas à distinguer la vérité du mensonge sur Internet de prendre l'air, de mettre de l'ordre dans leurs idées».
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Eroder la légitimité
Aujourd’hui, la tradition du secret est perpétuée par Poutine et ses alliés, dirigeants de «régimes personnalistes de type charismatique», analyse Tatiana Kastoueva-Jean, directrice du Centre Russie/Eurasie de l’Ifri, reprenant la définition de Max Weber.
«La légitimité de leur pouvoir est fondée sur une croyance du peuple et des élites en leurs qualités exceptionnelles de leader indispensables pour gouverner», ajoute la politologue. La question de leur santé se trouve au cœur de cette perception et les oppositions le savent. En relayant des rumeurs sur une éventuelle maladie d’un de ces dirigeants, elles «sapent cette conviction et érodent leur légitimité».
Face à ce phénomène, les intéressés ont deux options. D’une part le démenti pur et simple, comme le fait Kadyrov avec sa vidéo.
«Mais les gens ne font pas confiance à ces images, qui peuvent être trafiquées», souligne Tatiana Kastoueva-Jean. D’autre part, la patience et le mutisme : «Laisser passer, se donner le temps de tourner cela à leur avantage ou attendre le rétablissement de la personne pour la présenter au public sous le bon jour, d’une manière incontestable».
C’est cette dernière option qu’a choisie récemment Alexandre Loukachenko, laissant passer l’orage avant de réapparaître virilement dans un centre de commandement de l’armée de l’air. Avant de jouer les intermédiaires entre Poutine et Prigojine lors de la mutinerie avortée de Wagner, preuve irréfutable de son aptitude à gouverner.
Le président russe choisit généralement la même méthode lors de ses différentes «disparitions». Dans son cas, des «conserves» sont préparées, «c’est-à-dire des vidéos pré-enregistrées diffusées dans l’espace public le temps de son absence», explique Tatiana Kastoueva-Jean.
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Faut-il, dès lors, voir dans ces rumeurs un dessein de déstabilisation à destination de la Russie, notamment quand elles concernent Poutine ?
«L’opposition a tout intérêt à les faire circuler : psychologiquement, cela soulage probablement certains de croire que la fin du leader, et donc probablement du régime, est proche», note Tatiana Kastoueva-Jean.
Cette manœuvre peut aussi fonctionner auprès de la population russe, «pour casser le message du Kremlin, qui décrit Poutine comme un homme en bonne santé», ajoute Andreï Kozovoï. Car, comme l’observe Arnaud Dubien, la Russie, où l’information est très filtrée et où le consommateur de nouvelles est influençable, présente un «terreau réceptif» à ce genre de nouvelles.
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