Guerre en Ukraine : pays baltes, Pologne, Finlande, Suède… Menacés par la Russie, ses voisins se préparent à la guerre
Deux après le début de la guerre en Ukraine, les autres pays voisins de Moscou s’inquiètent de plus en plus de la possibilité d’une guerre avec la Russie. Décryptage avec Dimitri Minic, chercheur au centre Russie/Eurasie de l’Ifri.
Face aux volontés expansionnistes du pouvoir russe, ses voisins se sentent toujours plus menacés et se préparent à un éventuel conflit armé.
"À court terme, il n’y a aucun risque pour ces pays tant que l’Ukraine reste un obstacle important pour la Russie en termes de mobilisation des ressources humaines et matérielles", indique en préambule Dimitri Minic, chercheur au centre Russie/Eurasie à l’Ifri. "Mais ça ne veut pas dire que l’armée russe n’attaquera jamais un de ses autres voisins proches".
États baltes, une ligne de défense installée aux frontières
L’Estonie, la Lettonie et la Lituanie : trois pays annexés par l’Union soviétique qui ne veulent pas voir l’Histoire se répéter à leurs dépens. Les trois pays baltes, un peu plus de six millions d’habitants, ont rejoint l’OTAN après avoir pris leur indépendance lors de la chute de l’URSS. Le trio est en première ligne face si la Russie décidait de conquérir de nouveaux territoires.
"Pour marquer les esprits en peu de temps et avec peu de ressources, l’armée russe pourrait prendre le corridor de Suwalki (un couloir de 65 km le long de la frontière lituano-polonaise), via la Biélorussie, pour faire la jonction avec l’enclave de Kalingrad", relate Dimitri Minic.
Ainsi les trois pays baltes seraient "coupés" du reste de l’Europe. Et d’ajouter : "dans l’esprit des dirigeants russes, les pays baltes sont des anciennes possessions insolentes […] Selon cette rhétorique, un petit pays indépendant, ça n’existe pas, ça doit être sous le contrôle d’un empire".
En janvier dernier, les trois pays ont notamment annoncé la signature d’un accord commun visant à renforcer leurs installations de défense à leurs frontières avec la Russie, mais aussi la Biélorussie.
La Finlande a fermé sa frontière
Helsinki avait toujours refusé d’adhérer à l’OTAN pour ne pas contrarier son imposant voisin avec qui la Finlande possède une frontière commune de plus de 1 300 km. Mais ça, c’était avant l’invasion de l’armée russe en Ukraine, car depuis avril dernier, le pays des mille lacs a rejoint l’Alliance.
Depuis cet automne, le gouvernement a décidé de fermer sa frontière avec la Russie, accusant Moscou d’envoyer délibérément des migrants sur place pour les faire passer en Finlande. Cette fermeture est valable jusqu’au 14 avril prochain.
"Ils ont des raisons légitimes de s’inquiéter et ne sont en aucun cas paranoïaques", note Dimitri Minic. "En règle générale, la Finlande a toujours été beaucoup plus lucide que les Occidentaux au sujet de la Russie. Et les élites du pays n’oublient pas les discours hostiles des Russes. La requête de Boris Eltsine à Bill Clinton, en 1999, lorsqu’il lui demandait de lui 'donner l’Europe', est encore bien présente".
La Suède se prépare "mentalement" à la guerre
Le pays n’a connu aucune guerre depuis plus de deux siècles, mais le stress d’un conflit armé avec la Russie se fait de plus en plus prégnant, alors que la Suède est devenue, le 7 mars dernier, le 32e membre de l’OTAN. En janvier, le commandant en chef des armées a appelé ses compatriotes à se "préparer mentalement" à la guerre. Après cette déclaration, un sondage local a fait état que près d’un tiers des Suédois ressentait une anxiété accrue alors que les autorités recommandent à sa population de pouvoir être autonome en nourriture pour sept à dix jours.
"Face à cette nouvelle donne, avec la Suède et la Finlande dans l’OTAN, l’état-major russe a déjà commencé à réformer ses districts militaires de Saint-Pétersbourg et Moscou pour tendre vers une chaîne de commandement plus adaptée à cette nouvelle réalité", indique pour sa part Dimitri Minic.
"Si un conflit advenait – je le dis bien au conditionnel - dans les pays baltes ou en Finlande, la Suède deviendrait une espèce de zone arrière à travers laquelle transitent de nombreuses ressources qui doivent être déplacées d’ouest en est, estime auprès de Franceinfo le directeur adjoint de l’Agence de recherche sur la Défense. Donc la Suède serait partie prenante d’un conflit ouvert, s’il arrivait quelque chose dans la région".
Raison pour laquelle la Suède a massivement augmenté ses dépenses militaires et rétabli le service militaire partiel.
La Pologne, 4 % de son PIB à la défense
"Il y a beaucoup de raisons historiques pour les Polonais d’avoir peur de la Russie", estime Dimitri Minic.
Varsovie consacre 4 % de son PIB à la défense (soit près de 32 milliards d’euros). Et la Pologne, qui avait déjà commencé à se réarmer après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, vient également d’acheter pour près de 3,5 milliards de dollars de missiles à Washington.
Début février, Wladyslaw Kosiniak-Kamysz, ministre polonais de la Défense, a pour sa part mis en garde ses compatriotes quant à une éventuelle guerre en indiquant que "tous les scénarios" étaient sur la table, même "le pire". Dans un entretien au tabloïd Super Express, il avait par ailleurs précisé que son gouvernement avait conclu récemment plusieurs contrats d’armements à hauteur de 4,4 milliards d’euros en déclarant : "équiper individuellement un soldat avec du matériel neuf et de la plus haute qualité est, pour moi, un changement très important qui doit avoir lieu".
La Moldavie, la Transnistrie au cœur des préoccupations
Pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne, la Moldavie est scrutée par le Kremlin, qui suit d’un œil attentif l’évolution de la situation en Transnistrie, région séparatiste pro-russe où vivent plus de 200 000 citoyens russes. Moscou, pourrait prétexter la défense de ses minorités, pour intervenir militairement (comme cela a déjà été le cas dans le Donbass) dans cette étroite bande de terre de 4 000 km², non loin d’Odessa en Ukraine.
"Sur le plan de la faisabilité, c’est difficile pour l’armée russe d’aller en Transnistrie", nuance Dimitri Minic.
"La partie occidentale de la mer Noire est devenue très dangereuse. L’Ukraine, qui n’a pas de flotte, a réussi à interdire les navires russes avec peu de moyens. De plus, ça condamnerait la Russie à une opération massive pour ne pas être prise à revers par les troupes ukrainiennes qui sont à côté. La Russie n’a pas les moyens dans les conditions actuelles, et surtout pour quel gain ? Empêcher la Moldavie d’entrer dans l’UE et l’OTAN ? Ils peuvent s’y prendre autrement avec d’autres leviers de pression en tirant les ficelles depuis Moscou".
La Roumanie, une base géante de l’OTAN à venir
"Un peu comme la Suède, la Roumanie ne représente pas une cible prioritaire pour les Russes", relate Dimitri Minic.
Mais des débordements ne sont pas à exclure alors que l’espace aérien roumain aurait été violé à plusieurs reprises à proximité de la frontière ukrainienne, notamment par des drones russes, depuis le début de la guerre.
Les autorités locales, elles, jouent régulièrement la carte de l’apaisement afin de ne pas envenimer la situation, assurant par exemple que le pays n’a jamais été aussi sûr militairement.
Membre de l’OTAN, la Roumanie va bientôt accueillir une nouvelle base géante de l’Alliance, sur un site déjà existant, comme l’a révélé ces derniers jours Euronews Roumanie. Cette dernière pourra abriter jusqu’à 10 000 soldats, ainsi que leurs familles et sera deux fois plus grande que la plus grande base actuelle de l’organisation en Europe, située à Ramstein (Allemagne). Un projet estimé à 2,5 milliards d’euros alors que les travaux vont prendre plusieurs années.
> Lire l'article dans son intégralité sur le site de La Dépêche.
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