Guerre en Ukraine : Olaf Scholz, une diplomatie peu lisible qui agace l'Elysée
Les 7 plaies du modèle allemand. ÉPISODE 2/7 - La frilosité du chancelier, notamment vis-à-vis de la Russie, s’explique tant par sa fibre sociale-démocrate que pour des raisons électorales dans un pays pacifiste.
Olaf Scholz n’est pas du genre à enflammer les foules. Ton monolithique, visage marmoréen, il est même plutôt… ennuyeux. Ce 10 mars 2023, pourtant, devant un parterre de journalistes, le chancelier allemand est enjoué. Bientôt, annonce-t-il, le pays connaîtra un nouveau "Wirtschaftswunder" (miracle économique). Comme durant les décennies dorées (1950-1960). Un an plus tard, l’Allemagne est en récession et une pluie de critiques s’abat sur Scholz. Pas de miracle, donc, mais le pire bilan économique depuis les années Schröder. Inflation, crise de l’énergie et du logement, démographie en berne… Les indicateurs clignotent au rouge, même si Berlin, peu endetté, garde une marge de manœuvre financière que beaucoup lui envient.
Encore faudrait-il pouvoir agir. "Les trois partis au pouvoir [NDLR : sociaux-démocrates, verts et libéraux] ne s’entendent sur rien, critique un fin observateur, à Bruxelles. Tout est bloqué et le restera jusqu’aux élections fédérales, en 2025." Un boulevard pour l’extrême droite (AfD), qui pourrait bientôt devenir le deuxième parti du pays. L’Allemagne est-elle malade ? C’est hélas notre diagnostic et c’est une très mauvaise nouvelle. Car face à une Russie belliqueuse et à l’heure d’un possible retour de Trump, l’Europe a, au contraire, besoin d’une Allemagne forte.
Il avait promis un électrochoc. Personne n’a oublié sa détermination lors de son discours sur le "changement d’époque" en février 2022, trois jours après l’invasion russe : "Nous ne faiblirons pas tant que la paix ne sera pas assurée en Europe." Deux ans plus tard, le ton est moins martial. Certes, l’Allemagne a, vis-à-vis de l’Ukraine, tenu ses engagements, devenant même son deuxième fournisseur d’armes derrière les Etats-Unis.
Il n’empêche : Scholz montre un visage timoré vis-à-vis de la Russie. Sa partenaire "verte" de coalition, Annalena Baerbock, ne cesse de critiquer ses atermoiements – comme ses réticences à livrer à Kiev des missiles à longue portée Taurus.
"Le SPD a un intérêt politique direct à se présenter comme le parti de la paix. Olaf Scholz s’inscrit dans une certaine tradition sociale-démocrate, à l’instar d’un Gerhard Schröder, qui avait refusé d’engager l’Allemagne en Irak en 2003", analyse Eric-André Martin, spécialiste de l’Allemagne à l’Ifri, pour qui cette "frilosité" s’explique aussi pour des raisons électorales dans un pays pacifiste : "L’AfD, qui critique ouvertement toute implication directe ou indirecte dans la guerre, ne s’est jamais si bien porté", poursuit-il.
Et tant pis si cette posture prudentielle agace l’Elysée. Scholz n’en a cure, en témoigne sa visite à Pékin, en avril dernier. Ignorant les critiques de ses partenaires européens, le chancelier est allé défendre ses intérêts économiques, accompagné d’une dizaine de grands patrons. Une démarche très "merkélienne". Sauf que la donne géopolitique a changé et que la compétition avec Pékin s’est durcie. Vouloir renforcer une coopération industrielle avec un pays qui concurrence de plus en plus Berlin sur ses points forts (machines-outils, automobile) et ne cache plus son soutien massif à la Russie a-t-il encore un sens ?
- Cet article est disponible sur le site de L'Express.
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