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Guerre en Ukraine : la nouvelle géopolitique des blocs

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cité par Marc Sémo dans

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Les alliances qui se reconstituent autour du conflit russo-ukrainien recoupent en partie celles de la guerre froide, mais sont beaucoup plus mouvantes. L’agression russe contre l’Ukraine marque la fin de l’après-guerre froide et du rêve, déjà bien mal en point depuis l’annexion par Moscou de la Crimée en 2014, d’un vaste ensemble européen auquel la Russie serait, d’une manière ou d’une autre, associée.

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Char russe T-90A exposé lors de l'exposition de matériel militaire russe détruit à Kiev, 23 Août 2022
Char russe T-90A exposé lors de l'exposition de matériel militaire russe détruit à Kiev, 23 Août 2022
Dmytro Stoliarenko/Shutterstock
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Les blocs sont de retour en Europe. Mais la ligne de partage est déplacée de quelque 2 000 kilomètres à l’est de celle dénoncée par Winston Churchill, le 5 mars 1946, lors d’un célèbre discours à l’université de Fulton, dans le Missouri.

« De Stettin, sur la Baltique, à Trieste, sur l’Adriatique, un rideau de fer est tombé sur l’Europe », lançait le « Vieux Lion » qui avait quitté le pouvoir huit mois plus tôt. Il mettait en garde contre le nouveau péril menaçant une Europe en ruine qui venait de triompher du nazisme. C’était le début d’un affrontement Est-Ouest qui fut à la fois militaire, politique et idéologique, structurant l’ensemble des relations internationales pendant quarante ans. Il dura jusqu’en 1991 et la victoire par K.-O. du camp occidental.

La situation créée par le conflit désormais ouvert entre les Occidentaux et une Russie en bonne part soutenue par la Chine, même si les deux pays ne sont pas liés par une alliance militaire formelle, rappelle à bien des égards l’affrontement Est-Ouest de la seconde moitié du XXe siècle. Il oppose, comme alors, des régimes autoritaires aux démocraties.

L’expression « guerre froide », qui tient de l’oxymore, apparut pour la première fois sous la plume de George Orwell, dans un très prémonitoire article de l’hebdomadaire britannique de gauche Tribune du 19 octobre 1945, prédisant qu’après les Américains, les Soviétiques auraient à leur tour la bombe et que se constituerait un équilibre de la terreur dans « un état permanent de guerre froide ». La peur de l’anéantissement réciproque avait garanti le statu quo en Europe, mais les guerres en Asie et en Afrique firent des millions de morts. Cette fois, l’épicentre est en Europe, une première depuis 1945.

  • « Avec le retour de la guerre de haute intensité, le continent européen perd un de ses avantages comparatifs dans la mondialisation, celui de la stabilité stratégique et d’être une région en paix », relève Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI), soulignant que « par rapport aux enjeux globaux, cette guerre apparaît anachronique à ceux qui font rimer mondialisation et démilitarisation depuis 1991, c’est-à-dire fondamentalement les Européens, mais elle ne l’est pas pour ceux qui voient le monde à travers les rapports de force militaires, c’est-à-dire les Russes, les Chinois et les Américains ».

Ce retour d’une guerre coloniale de conquête à l’ombre du nucléaire représente un changement de donne majeur.

Ce qui se joue aujourd’hui sur les quelque 2 500 kilomètres de front de l’est de l’Ukraine, ce sont les futures lignes de séparation entre l’Union européenne et la Russie qui veut rétablir, comme avant 1989, une « frontière épaisse », selon l’expression de Sabine Dullin, autrice, notamment, du livre homonyme, La Frontière épaisse. Aux origines des politiques soviétiques. 1920-1940 (EHESS, 2014). « Les dirigeants russes, depuis les tsars jusqu’à Vladimir Poutine, ne cessent de vouloir repousser, notamment vers l’ouest, les frontières, de peur d’être en contact direct avec ce qu’ils perçoivent comme un adversaire », explique l’historienne.

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Thomas GOMART

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