Guerre en Ukraine : entre la Russie et l’Occident, le poids d’un large groupe de pays « neutres »
Lors du G20, prévu à la mi-novembre à Bali, en Indonésie, pourrait se cristalliser la bataille d’influence entre le président russe et les chefs d’Etat occidentaux, en présence de Xi Jinping et des dirigeants « neutres » ou « non alignés ».
Ce mercredi 27 juillet à Cotonou, au Bénin, Emmanuel Macron accuse la Russie d’être « une des dernières puissances impériales coloniales », après avoir lancé une « guerre territoriale » en Ukraine. Pour le chef de l’Etat, alors en tournée africaine au même moment que le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, « la Russie a commencé un nouveau type de guerre mondiale hybride ». « Elle a décidé que l’information, l’énergie et l’alimentation étaient des instruments militaires mis au service d’une guerre impérialiste continentale contre l’Ukraine », assène-t-il, comme pour convaincre son interlocuteur du jour, le président béninois, Patrice Talon, présent à ses côtés, mais surtout les dirigeants et citoyens africains, de ne pas céder aux sirènes russes.
Loin des combats, le plaidoyer du président français donne une idée de la bataille diplomatique qui se joue en marge de la guerre en Ukraine, auprès des nombreux pays qui refusent de choisir leur camp, au sujet d’un conflit qu’ils considèrent comme « régional » et « européen ». L’enjeu est crucial à la fois pour la Russie, soucieuse de montrer qu’elle n’est pas isolée en dépit des sanctions massives adoptées par les Etats-Unis et l’Union européenne, et pour les Occidentaux, qui redoutent que le fossé se creuse entre « l’Ouest et le reste du monde ». Car, depuis le 24 février, Washington et les capitales européennes prennent conscience de leurs difficultés à rallier les soutiens.
Un peu plus d’une semaine après le début de l’invasion russe, tandis que le Conseil de sécurité est paralysé, un premier vote au sein de l’Assemblée générale des Nations unies (ONU) a révélé l’ampleur du phénomène dans un monde plus fracturé que jamais, où l’influence occidentale est sur le déclin : le 2 mars, seuls quatre Etats (Corée du Nord, Syrie, Erythrée et Biélorussie) ont voté avec la Russie, contre le texte exigeant que cette dernière « cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine ». Cependant, trente-cinq pays sur 193 membres se sont abstenus, à l’instar de la Chine, de l’Inde, du Pakistan, de l’Iran ainsi que les anciennes républiques de l’Union soviétique.
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Armes énergétiques et alimentaires
- « La Russie n’est pas la Serbie ni la Chine. C’est la onzième puissance économique mondiale, mais elle exporte du gaz, du pétrole, des armes, du nucléaire civil et du blé, relève Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI), elle a intégré le fait de faire l’objet de sanctions et est en mesure de prendre des contre-sanctions », par exemple dans le domaine de l’énergie et de l’alimentation.
- « Cette posture de la Russie a créé une nouvelle géographie autour de trois grands groupes de pays : une zone OCDE qui la condamne et la sanctionne ; les pays de l’Organisation de coopération de Shanghaï, qui ne condamnent pas et ne sanctionnent pas, et les autres, qui sont plutôt indifférents au conflit, sauf quand ils sont concernés par l’un des cinq piliers des exportations stratégiques russes », dit encore M. Gomart. Une fragmentation dont la Russie cherche à profiter, que ce soit en jouant des armes énergétiques et alimentaires ou en prônant, avec la Chine, la mise en place d’un nouvel ordre international.
Une fragmentation dont la Russie cherche à profiter, que ce soit en jouant des armes énergétiques et alimentaires ou en prônant, avec la Chine, la mise en place d’un nouvel ordre international.
La question est prise au sérieux dans les chancelleries occidentales, dans la mesure où les « non-alignés » représentent plus de la moitié de la population mondiale. « Il faut intensifier le travail diplomatique pour ramener vers nous toutes les puissances neutres », indique un proche d’Emmanuel Macron : « Il s’agit d’éviter une partition du monde » et « une sorte d’isolement des Européens aux côtés des Ukrainiens ». Outre l’Afrique, les efforts portent sur les pays du Golfe, mais aussi l’Asie. « Si l’Inde et la Chine changeaient de diplomatie à l’égard de la Russie, ce serait très complémentaire de nos sanctions », suggère-t-on à l’Elysée.
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