Guerre en Ukraine : comment la Russie a perdu la bataille de la mer Noire
Contre toute attente, les forces ukrainiennes sont parvenues à empêcher les Russes d’opérer en mer Noire. Une victoire obtenue presque sans marine.
C’est par une météo pluvieuse que le Moskva patrouille au large d’Odessa, ce 13 avril 2022, près de deux mois après le début de l’invasion russe de l’Ukraine. Soudain, le navire-amiral de la flotte russe est frappé par un missile antinavire ukrainien, puis par un second, quelques minutes plus tard. En dépit des efforts de l’équipage pour contenir l’incendie, ce joyau de la marine russe coule le lendemain à l’est de l'île des Serpents, dans la partie occidentale de la mer Noire. "L’ennemi n’était pas prêt pour cette frappe, a récemment commenté le porte-parole de la marine ukrainienne, Dmytro Pletenchuk, à l’occasion de la date anniversaire de cette opération. Les Russes ne soupçonnaient pas que nous avions notre propre missile de croisière et que nous pouvions leur causer des dommages." Encore aujourd’hui, cette perte résonne comme une humiliation pour le Kremlin. Aucun navire-amiral russe n’avait été envoyé par le fond depuis le Knyaz Suvorov, en 1905, lors de la guerre russo-japonaise.
Ce coup d’éclat des forces ukrainiennes a surtout marqué le début d’une longue série de succès en mer, qui contraste avec leurs difficultés actuelles sur le front terrestre. Des victoires d’autant plus spectaculaires que l’Ukraine est presque dépourvue de marine.
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"C’était un événement précurseur des difficultés qu’allait rencontrer la marine russe", observe Jérémy Bachelier, chercheur au Centre des Etudes de Sécurité de l’Ifri.
Selon l’armée ukrainienne, ce modèle aurait été utilisé pour frapper le très stratégique pont de Kertch, en juillet 2023. Un an plus tôt, l’ouvrage avait déjà été la cible d’une première attaque au camion piégé, perturbant les flux logistiques vers la péninsule pendant plusieurs semaines.
"On peut raisonnablement s’attendre à une troisième frappe dans les mois ou années à venir, jauge Jérémy Bachelier. Pour Moscou, il est à la fois symbolique politiquement et précieux pour approvisionner la Crimée", observe Jérémy Bachelier, chercheur au Centre des Etudes de Sécurité de l’Ifri.
Pour Moscou, il est à la fois symbolique politiquement et précieux pour approvisionner la Crimée." Sa destruction constituerait un moyen d’isoler la péninsule et d’affaiblir les forces présentes dans le sud de l’Ukraine.
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Une flotte russe "décimée" Les pertes enregistrées par la flotte russe ont aussi éloigné le scénario d’une offensive depuis la mer.
"Les navires de classe Ropucha, qui servent à mener des opérations amphibies, ont été décimés, pointe Jérémy Bachelier. Il est difficile d’imaginer une opération de débarquement à Odessa ou ailleurs sur la côte."
Pire, les Russes ne peuvent pas faire venir de renforts de leurs autres flottes (Nord, Baltique et Pacifique) en raison du blocage des détroits des Dardanelles et du Bosphore par la Turquie depuis le début du conflit.
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Pour se prémunir des attaques ukrainiennes, la marine russe a été contrainte de déplacer certains de ses navires de Sébastopol vers le port de Novorossisk, dans la partie orientale de la mer Noire. Mais elle ne gagne pas au change.
"Le port de Sébastopol avait l’avantage d’être situé au coeur de la mer Noire et de bénéficier d’une baie profonde, idéale pour y stationner des navires de guerre, détaille Jérémy Bachelier. Il jouissait également de nombreuses infrastructures portuaires, qui ne sont pas aussi développées à Novorossisk."
Cet éloignement n’empêche, en outre, pas les attaques. Malgré les quelque 700 kilomètres séparant ce port des côtes ukrainiennes, le navire de débarquement Olenegorski Gorniak y a été sévèrement endommagé le 4 août par un drone de surface ukrainien.
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