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Guerre d'Afghanistan : les objectifs de 2001 ont-ils été vraiment remplis ?

Interventions médiatiques |

Gilles DORRONSORO, interviewés par

  Paul Carcenac
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Au lendemain des attentats du 11-Septembre, plusieurs buts précis avaient été définis par George W. Bush. Que reste-t-il de ces engagements, vingt ans plus tard ?

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«Nous avions des buts très clairs et nous avons rempli ces objectifs»: Joe Biden a prononcé mercredi 14 avril son discours de retrait définitif des troupes américaines d'Afghanistan. Ce constat résiste-t-il à l'examen des discours prononcés au début et au milieu de la guerre ? Marck Ecker, spécialiste des questions de terrorisme à l'Ifri, et Gilles Dorronsoro, professeur à la Sorbonne, expert de la politique afghane, s'y replongent, 20 ans plus tard.

  • « L'usage abusif de l'Afghanistan comme terrain d'entraînement au terrorisme prendra fin. », George W. Bush, le 6 novembre 2001, à la conférence de Varsovie sur la lutte contre le terrorisme.


Gilles Dorronsoro : «Aujourd'hui, al-Qaïda est toujours présent en Afghanistan. Des centaines de ses militants sont toujours protégés de fait par les talibans. Très concrètement, rien n'empêche la direction de se réinstaller dans le pays

Mark Hecker : «Il y a en plus une présence de Daech, qui avait essayé de dupliquer son modèle syro-irakien en Afghanistan à partir de 2015. Ils n'ont pas réussi à s'implanter territorialement, notamment à cause de l'opposition des talibans. Mais l'État islamique a, dans le pays, une capacité de nuisance : ils commettent des attentats. On se pose la question de l'endroit où la mouvance djihadiste pourrait se resanctuariser : l'Afghanistan est l'une des hypothèses.»

  • « Les talibans en tant que mouvement ne devraient pas avoir de place dans les futurs organes du pouvoir d'État en Afghanistan. », George W. Bush, dans une déclaration avec Vladimir Poutine, le 13 novembre 2001


M.H : «À ce moment-là, les talibans étaient vus comme des alliés d'al-Qaïda. Il était totalement exclu pour les Américains qu'ils comptent dans la nouvelle donne politique. Ils ont toujours réussi à commettre des actions violentes, même quand leurs chefs étaient éliminés. Ils avaient des bases arrière au Pakistan, ce qui leur permettait de se retirer et de revenir. Quand les États-Unis se sont rendu compte qu'il n'y aurait pas de victoire militaire, il a bien fallu intégrer les talibans aux discussions. La question est de savoir si ces derniers ont rompu avec al-Qaïda ou s’ils jouent un double jeu. Ils ont vu la puissance de feu américaine en octobre 2001. Ont-ils retenu la leçon ? Nous n'avons pas la réponse.»

G.D : «À l'évidence, les talibans vont maintenant avoir une place dans les institutions. C'est le principal groupe politico-millitaire du pays. Il n'y a pas d'autre solution, pour éviter de nouveaux combats. Ils ont gagné la partie, ils contrôlent 50% du territoire. Il n'y a aucun gain stratégique en 20 ans pour les Occidentaux. Avant 2001, les États-Unis et leurs alliés avaient une capacité de pression sur les talibans. Aujourd'hui, ça va être plus compliqué. Il n'y a pas d'industrie, à part de la drogue. Ce n'est pas une économie sensible aux sanctions.»

« Notre action militaire vise à pourchasser [les dirigeants d'al-Qaïda] et à les traduire en justice. »

George W. Bush lors de son discours à la Nation le 7 octobre 2001

GD : «Ben Laden, comme beaucoup de membres de la direction d'al-Qaïda de l'époque des attentats du 11-Septembre, a été tué, mais ça n'a pas eu d'impact stratégique majeur : il était trop recherché, il était de fait hors jeu.»

M.H : «Toutefois, al-Qaïda n'a pas non plus rempli ses objectifs initiaux. En 2001, leur but était de chasser les juifs et les croisés des terres d'islam, de renverser leurs alliés, les régimes arabes apostats. Ses membres pensaient vaincre les États-Unis en rééditant ce que les moudjahidines avaient fait contre l'URSS dans les années 80.»

  • « L'engagement des États-Unis : [...] un Afghanistan uni, sûr et souverain », Barack Obama, le 28 décembre 2014 au moment de la fin d'«Enduring Freedom», la première phase de la guerre


G.D : «L'Afghanistan est tout sauf uni, il est aujourd'hui en pleine guerre civile. Le pays n'est pas non plus sûr, il y a des combats. Quant à la question de la souveraineté, c'est difficile à dire. L'Otan, le Pakistan, l'Iran et la Russie y jouent leurs cartes. Le pays est ouvert aux quatre vents. Il n'est pas non plus démocratique, toutes les élections ont été magouillées.»

M.H : «Le processus démocratique mis en place n'a pas porté ses fruits. Les Américains ont commencé à retirer des troupes pour porter l'effort vers l'Irak à partir de 2003. Ils auraient dû, à ce moment-là, s'investir d'avantage dans la construction politique sur place et veiller à ce que l'aide au développement n'alimente pas la corruption. La contre-insurrection (doctrine visant à convaincre les locaux du bien-fondé de l'intervention, NDLR), requiert énormément de moyens humain, une bonne connaissance du terrain et de la population. Il fallait gagner les cœurs et les esprits. Ça n'a pas fonctionné.»

 

Marck Hecker est l'auteur, avec Elie Tenenbaum, de l'ouvrage La guerre de vingt ans, djihadisme et contre-terrorisme au XXIe siècle (Robert Lafon), qui sort le 29 avril.

Gilles Dorronsoro vient de publier Le gouvernement transnational de l'Afghanistan, une si prévisible défaite (aux éditions Karthala).


Propos recueillis par

> Lire l'interview sur le site du Figaro

 

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Marc HECKER

Marc HECKER

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Directeur adjoint de l'Ifri, rédacteur en chef de Politique étrangère et chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri