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Gaz russe : l'Allemagne retourne au charbon, d'autres pays vont-ils suivre ?

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Si Berlin fait marche arrière sur le charbon en annonçant davantage y recourir pour pallier le manque de gaz russe, d'autres pays européens pourraient également retourner vers cette source d'énergie très polluante.

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Ces dernières années, le charbon semblait être en voie de disparition dans une grande partie du monde, mais il pourrait faire un dernier come-back. L'Allemagne a pris, dimanche 19 juin, des mesures d'urgence pour sécuriser son approvisionnement en énergie face aux baisses récentes de livraison de gaz par le groupe russe Gazprom. Cela implique notamment un recours accru à la plus polluante des énergies, le charbon. 

"Pour réduire la consommation de gaz, il faut utiliser moins de gaz pour produire de l'électricité. A la place, les centrales à charbon devront être davantage utilisées", a déclaré ce dimanche le ministère de l'Economie dans un communiqué. Le recours temporaire au charbon marque un virage à 180 degrés pour le gouvernement d'Olaf Scholz qui, allié des Verts, a promis de sortir du charbon d'ici à 2030 pour lutter contre le changement climatique.

Mais l'environnement semble devoir attendre dans le contexte de la guerre en Ukraine, après que le géant russe a décidé de couper le robinet de gaz. Arguant d'un problème technique, le groupe a réduit de 40 %, puis de 33 % ses envois. Cette décision a eu un lourd impact sur plusieurs pays européens, en particulier l'Allemagne, l'Italie et la France, qui ne reçoit désormais plus de gaz russe.

Le retour du charbon "sans tabou" dans l'UE

Mi-mai, Bruxelles a donné le feu vert à l'Union européenne pour brûler plus de charbon au cours de la prochaine décennie. "Le charbon devrait produire annuellement 100 térawattheures supplémentaires, soit environ la consommation d'électricité de la Belgique, au cours des cinq à dix prochaines années", rapporte le Financial Times. Les pays pourraient "rester plus longtemps avec le charbon" avant de passer aux énergies renouvelables pour éviter de dépendre du gaz, dont plus d'un tiers provient de la Russie, avait informé Frans Timmermans, le président de la Commission européenne, le 3 mars à la radio britannique BBC. 

L'Union européenne envisage "sans tabou" le retour à cette source de production d'électricité la plus émettrice de gaz à effets de serre, l'ennemi public n° 1 pour le climat. "Les choses ont changé. Je veux dire, l'histoire a pris un virage très serré il y a une semaine, et nous devons accepter ce changement historique", a ajouté Frans Timmermans, tout en précisant l'obligation de respecter les objectifs d'émissions de l'UE, consistant à consommer, d'ici 2030, 55 % de charbon en moins qu'en 1990.

La réouverture des centrales à charbon et nucléaires participe au remplacement du gaz russe, confirme Thierry Breton, commissaire européen chargé du Marché intérieur. De son côté, la France semble se préparer à recourir davantage à l'or noir. La centrale à charbon de Saint-Avold, en Moselle, dont la fermeture était prévue fin mars, pourrait reprendre du service à l'hiver prochain, avait indiqué le ministère de la Transition écologique, à la fin du mois de mars.

La Grèce emboîte le pas, bientôt l'Italie et la France ?

Mario Draghi, le Premier ministre italien, pourrait lui aussi rouvrir d'anciennes centrales au charbon dans le but d'être moins dépendant du gaz russe. Le 4 avril, le gouvernement grec avait, lui, dévoilé qu'il stimulera l'extraction du charbon et prolongera l'exploitation de ses centrales électriques au charbon jusqu'en 2028, abandonnant ses plans précédents de fermeture de certaines centrales d'ici l'année prochaine. "La Grèce produit environ 10 % de son électricité à partir de lignite, la forme de charbon la plus sale", précise le Financial Times. 

Il faut dire que le charbon représente un substitut pratique à court terme du gaz russe : le brûlage du carbone est moins compliqué que la construction de nouvelles éoliennes et de nouveaux panneaux solaires. "Même en tenant compte du système d'échange d'émissions de l'UE, en vertu duquel les producteurs d'énergie doivent payer pour produire du CO2, les centrales électriques au charbon sont moins chères que leurs équivalents au gaz", rappelle The Economist.

Un investissement "illusoire"

Mais ce retour au charbon est fustigé par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Mardi 14 juin, il a prévenu qu'il était "illusoire" d'investir de l'argent dans le charbon, le pétrole ou le gaz pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine. Il a alerté que l'utilisation massive de charbon ne fera que renforcer le "fléau de la guerre, de la pollution et de la catastrophe climatique".

Déjà avant la guerre en Ukraine, la consommation du charbon était repartie en flèche. Selon les données de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la production mondiale d'électricité à partir du charbon a augmenté de 9 % en 2021.

"Le charbon joue un rôle systémique dans le modèle électrique mondial. Le prix du gaz ayant connu des hausses extraordinaires en 2021, il est devenu bien plus compétitif dans certaines régions de faire tourner des centrales à charbon plutôt que des centrales à gaz", analysait Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du centre énergie & climat de l'Ifri, le 7 février dans L'Express. 

Selon le rapport annuel du réseau d'experts REN21 publié mardi, l'année 2021 a été décevante pour les énergies renouvelables. La part de celles-ci dans la consommation énergétique mondiale a stagné en 2021, dépassée par le rebond des combustibles fossiles après le Covid-19.

 

 > Lire l'article sur le site du journal L'Express

 

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Marc-Antoine EYL-MAZZEGA

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Directeur du Centre énergie et climat de l'Ifri

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