Européennes 2024 : le libre-échange ne fait plus recette
La Croix a analysé les programmes des principales listes candidates pour le scrutin du 9 juin. En matière économique, protectionnisme et souveraineté ne sont plus des gros mots et de nombreuses propositions de régulation se rejoignent.
L’économie est-elle finalement le sujet sur lequel s’accordent ou se rapprochent les huit principaux candidats têtes de liste aux élections européennes ? Spontanément, notre réponse aurait été négative. Et pourtant, une plongée dans les programmes montre que, bien souvent, les positions des uns et des autres sur des dossiers clés du moment se rejoignent sur le fond. Évidemment, il y a des nuances, voire de claires différences. Mais sous la pression de la puissante production chinoise et alors que l’économie européenne décroche face aux États-Unis, les mots « souveraineté » et « protectionnisme » reviennent dans les argumentaires de la plupart des candidats.
Les accords de libre-échange au centre des critiques
Plusieurs têtes de liste se retrouvent dans la mise en cause des accords de libre-échange. Elles dénoncent unanimement le projet d’accord avec le Mercosur, organisation qui rassemble plusieurs pays d’Amérique du Sud. Pour le reste, la candidate de la majorité présidentielle, Valérie Hayer, est la seule à défendre le Ceta, l’accord avec le Canada entré en vigueur en 2017.
Le Rassemblement national (RN) défend l’instauration d’un moratoire sur la négociation de nouveaux accords et le respect d’un principe de « réciprocité », autrement dit : « Imposer aux importations le respect des normes environnementales et sociales européennes. » C’est exactement l’objectif des clauses miroirs déjà défendues par les macronistes ces dernières années à Bruxelles.
Une idée que partage aussi François-Xavier Bellamy chez Les Républicains (LR) : bien que s’opposant au Ceta, il dit ne pas être opposé au libre-échange. « Les Républicains rejettent certains accords au nom de la protection de l’économie, là où chez les écologistes, par exemple, ça sera davantage pour des raisons environnementales », précise Émilien Houard-Vial, enseignant à l’université de Versailles Saint- Quentin-en-Yvelines. Les écologistes, justement, à travers la voix de Marie Toussaint, estiment eux aussi que les clauses miroirs sont « indispensables », mais veulent aller plus loin en inventant une « politique commerciale juste ».
Raphaël Glucksmann, candidat Place publique/Parti socialiste plaide également pour des clauses miroirs et propose de sortir l’agriculture des accords. Il assure vouloir rompre avec le « libre-échange généralisé » sans pour autant cesser les relations commerciales.
Le parti d’extrême droite Reconquête ! entend acter la fin du libre-échange et compte instaurer un moratoire sur le volet agricole des récents accords conclus avec le Canada, la Nouvelle-Zélande et le Chili. Le Parti communiste (PCF) souhaite également remettre en cause les accords et imposer des clauses miroirs pour ceux qui ont été déjà négociés, et en sortir les questions agricoles. Enfin, La France insoumise (LFI) veut mettre fin aux accords.
Sur ce sujet, la campagne française se démarque de la campagne allemande.
« Pour la plupart des partis allemands, il est incompréhensible de s’opposer aux accords dans le contexte actuel. Ils voient par exemple dans l’accord avec le Mercosur un moyen de diversifier les ressources en minerais stratégiques, tel le lithium, indispensable à la transition écologique », souligne Marie Krpata, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (IFRI).
Muscler la politique industrielle
L’Inflation Reduction Act (IRA), ce plan d’investissement massif mis en œuvre par l’administration Biden, depuis 2022, en visant notamment à relocaliser aux États-Unis les industries stratégiques de la transition écologique, inspire plusieurs candidats. L’idée est de rendre l’UE autonome dans des secteurs stratégiques en opérant une réindustrialisation. L’omniprésence de ce sujet dans les débats témoigne de la mutation du logiciel européen.
« Il y a quelques années, rien que le fait de parler de “politique industrielle” à Bruxelles était tabou. Mais la pandémie, puis la guerre en Ukraine ont mis en lumière les vulnérabilités économiques de l’UE », remarque Marie Krpata.
Beaucoup prônent un investissement public massif – notamment via un emprunt commun sur le modèle de ce qui avait été initié durant la pandémie – pour encourager les industries dans le secteur de la transition écologique à rapatrier et à développer leur activité sur le sol européen. C’est ce que proposent les écologistes, les socialistes, les macronistes, les Insoumis et les communistes.
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