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Emmanuel Macron ou la diplomatie tout feu tout flamme

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  Jacques Hubert-Rodier
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Depuis son arrivée à l'Elysée, Emmanuel Macron a fait preuve d'une grande activité sur la scène internationale, sans toujours parvenir à faire bouger les lignes. Que ce soit sur l'Europe et sa relation avec l'Allemagne, ou bien encore sur la tentative de voir se détendre les relations entre l'Iran et les Etats-Unis, le président français a jusqu'ici échoué à faire valoir ses arguments.

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Si ce n'est pas lui, qui d'autre ? Comme la nature, la géopolitique a horreur du vide. Habilement, le président Emmanuel Macron a su s'inscrire dans l'espace laissé vacant par une Angela Merkel en fin de course à la Chancellerie à Berlin, un président américain erratique Donald Trump, et dont la politique étrangère est difficilement lisible ou encore un Boris Johnson, plus concentré sur la difficile sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne que sur les affaires du monde.

C'est dans cet espace que, depuis son arrivée à l'Elysée en mai 2017, Emmanuel Macron a fait preuve d'un grand activisme, accumulant les miles, multipliant les discours pour exposer sa vision du monde et de l'Europe, convoquant des conférences que ce soit sur la Libye, l'Ukraine, ou encore tentant l'impossible : une médiation entre l'Iran et les Etats-Unis. L'ancien ministre de François Hollande a effectué plus de 100 voyages à l'étranger, y compris une visite en Australie et a parcouru depuis mai 2017 près de 441.000 kilomètres, d'après des calculs des Echos faute de statistiques de la présidence française. Un activisme qui, aux regards du monde, le classe parmi les réformateurs européens.

Un Tony Blair à la française

« Il y a chez Emmanuel Macron un peu de Margaret Thatcher et de Tony Blair », disait récemment aux « Echos » Daniel Franklin, rédacteur en chef exécutif du «The Economist » qui a longuement interviewé en octobre dernier le locataire de l'Elysée. « Qui d'autre en Europe a aujourd'hui une vision géopolitique ? », ajoutait-il.

Au-delà de cette double parenté, Emmanuel Macron suit sur la scène internationale les pas de l'un de ses prédécesseurs qui avait gagné le titre de «président hyperactif ».

  • « On retrouve chez Emmanuel Macron l'activisme de l'ancien président Nicolas Sarkozy, mais la puissance conceptuelle en plus », affirme Thomas Gomart, directeur de l'Ifri (Institut français de relations internationales). Selon l'historien des relations internationales, le président français « s'est imposé à la table des grands ».

Il y a aussi un peu de l'énergie de Jacques Chirac, lorsqu'il exprime sa colère contre les forces de sécurité israéliennes lors de sa visite le 22 janvier dans l'église Sainte-Anne, territoire français à Jérusalem.

Mais il y a un revers à cet activisme : celui de donner l'impression de procéder par de grands coups diplomatiques ou déclaratoires. Certains observateurs y ont vu le retour de l'arrogance française. Plus nuancé, Thomas Gomart discerne chez Emmanuel Macron « une trop grande confiance dans ses propres mots et une vision trop perfectionniste de la politique étrangère ».

Macron, « un Européen contrarié »

Des mots qui ne se sont pas traduits en réelles avancées. Ainsi l'électrochoc créé par sa déclaration réaliste sur « l'état de mort cérébrale de l'Otan » pour réveiller de leur long sommeil les Européens, les Allemands en particulier, n'a pas eu l'effet escompté. Au contraire, elle a provoqué chez les Alliés un malaise vis-à-vis de la France. L'Europe de la Défense, qui devait devenir le pilier de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, n'a pas décollé par miracle. On est toujours dans les balbutiements d'une Défense européenne.

  • Pour Thomas Gomart, Emmanuel Macron est « un Européen contrarié », faute d'une relance de la relation francoallemande. Amélie de Montchalin, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, reconnaît que « le cycle politique français n'est pas du tout synchronisé avec le cycle politique allemand » en raison des difficultés de la nouvelle coalition allemande.

Une désynchronisation qui n'est pas une chose nouvelle mais la relance de la construction européenne devait être au coeur de l'action du fondateur d'En marche. Et l'on retrouve des déconvenues similaires sur nombre de dossiers et pas seulement sur la volonté de défendre le multilatéralisme mis à rude épreuve par Donald Trump.

Contre « l'Etat profond »

L'Iran est un autre exemple où l'activisme d'Emmanuel Macron s'est heurté « à l'épaisseur du monde, à sa viscosité », selon les expressions de François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique. Certes, avoir fait venir en marge du G7 à Biarritz le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, est une réussite diplomatique sans conteste. Mais la détente entre Téhéran et Washington est encore un horizon lointain après la décision du président Trump de répondre aux attaques contre les intérêts américains en Irak par un assassinat ciblé du général iranien Qassem Soleimani.

A l'Elysée, on préfère parler « d'un contexte international marqué par une très grande fragmentation » et « d'une recomposition des forces » dans le monde. Emmanuel Macron dénonçait lui un « Etat profond », ce groupe de hauts fonctionnaires plutôt néoconservateurs qui auraient contrarié ses volontés de politique étrangère.

Depuis 2017, il y a néanmoins une réussite : celle d'avoir modifié à l'étranger l'image de la France.

  • Il a suscité à l'étranger « un vif intérêt », souligne Thomas Gomart. Un désir de France, mal compris sur la scène intérieure française.

« Le rejet dont il est l'objet n'a rien à voir avec ses performances mais avec la perception négative de son essence », confie Dominique Moïsi, conseiller spécial de l'Institut Montaigne et chroniqueur des « Echos ». La question est aujourd'hui de savoir si les moyens, militaires et surtout diplomatiques, dont il dispose sont à la hauteur de ses ambitions. C'est la principale faiblesse de notre politique étrangère. Activisme ou pas.

Copyright Jacques Hubert-Rodier / Les Échos

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