Emmanuel Macron défie Vladimir Poutine dans l'adversité
Emmanuel Macron se présente de plus en plus comme le chef militaire de l'Europe. Le président français tente de prendre l'initiative et de combler le vide créé par le fait que l'Europe n'est plus assurée du soutien des États-Unis.
Ce n'est pas un hasard si Emmanuel Macron a cité Winston Churchill dans une interview télévisée française sur l'Ukraine la semaine dernière. "Il faut avoir le nerf de la paix", a-t-il déclaré à ses interlocuteurs. Traduction libre : ceux qui veulent la paix doivent se préparer à la guerre. L'homme d'État britannique qui a combattu Hitler et mis en garde contre les Soviétiques en 1946 est entré dans l'histoire comme un monument d'intransigeance. C'est ce même trait de caractère que Macron veut aujourd'hui exsuder.
Le président français a choisi d'affronter le président russe Poutine. Fin février, à l'issue d'un sommet européen sur l'Ukraine, il a déclaré qu'en ce qui le concernait, rien n'était hors de question, y compris l'envoi de soldats. Les hauts responsables militaires l'ont soutenu, les États baltes l'ont félicité d'avoir pensé "hors des sentiers battus". Des critiques ont également été émises, notamment par Berlin, mais M. Macron n'est pas revenu sur ses propos.
Dans une interview à la télévision française, le président a réaffirmé qu'il n'avait pas l'intention d'envoyer des forces militaires immédiatement, mais qu'il était prêt à le faire si la situation l'exigeait. Macron : "Si la Russie gagne cette guerre, la crédibilité de l'Europe sera réduite à zéro. Nous devons être prêts à utiliser tous les moyens pour atteindre notre objectif, qui est que la Russie ne gagne pas la guerre".
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Le monde de Trump
Macron n'a pas été un faucon pendant très longtemps. "Il est frappant de voir à quelle vitesse sa rhétorique a changé", déclare M. Korteweg. Macron pensait avoir de bons rapports avec l'homme avec lequel il disait avoir parlé pendant des "centaines d'heures" au fil des ans. Même après l'invasion, il est resté une colombe. La Russie ne devait pas être "humiliée", pensait Macron.
En fin de compte, il a dû en avoir assez de ne rien obtenir. "Au lieu de toujours réagir aux actions de la Russie, Macron adopte maintenant une position plus affirmée avec une idée pertinente qui n'est pas si folle", déclare le chercheur Dimitri Minic, qui suit la guerre en Ukraine pour l'Ifri. Dans un discours musclé à Bratislava, plus d'un an après l'invasion, le président français a appelé l'Europe à abandonner toute naïveté.
M. De Wijk était présent lorsque M. Macron a pris ce "grand virage". "À partir de ce moment-là, il a raisonné comme suit : il n'est pas question de parler à Poutine, l'Ukraine doit gagner la guerre. Les risques d'une victoire russe pour la sécurité européenne sont trop importants. Il avait raison sur ce point. Mais vous pouvez constater qu'aujourd'hui, ce sont surtout d'autres pays d'Europe occidentale qui ont du mal à accepter sa position ferme".
Selon M. Korteweg, le fait que M. Macron se positionne de plus en plus comme un leader militaire est également lié à l'évolution de la situation aux États-Unis. Le président Joe Biden soutient l'Ukraine, mais les partisans de Donald Trump au Congrès bloquent tout nouveau soutien en matière d'armement. Korteweg : "En fait, nous vivons déjà dans un monde trumpien. Nous sommes dans le vestibule de ce qui pourrait nous attendre dans les quatre prochaines années".
Entre-temps, Trump met en doute sa loyauté envers l'OTAN. Il n'est pas inconcevable que l'Europe soit bientôt livrée à elle-même. Cela soulève toutes sortes de questions : l'Europe peut-elle fournir à l'Ukraine ses propres armes, l'Europe est-elle capable de se défendre, et aussi : qui prendra la tête de ce mouvement ?
Pour le chancelier allemand Olaf Scholz, malgré la Zeitenwende historique qui s'est déroulée en Ukraine, la guerre en Ukraine reste un combat. Berlin n'aspire pas à un rôle militaire de premier plan. Le Premier ministre britannique Rishi Sunak possède, comme Macron, des armes nucléaires. Mais les Britanniques, bien que membres de l'OTAN, se sont éloignés du reste de l'Europe depuis le Brexit.
"En fin de compte, il ne reste qu'un seul candidat. De plus, le second mandat de Macron court jusqu'en 2027, il peut donc durer encore un peu". Toutefois, M. Minic insiste sur le fait qu'il s'agit de son dernier mandat. "On ne construit pas sa crédibilité en quelques semaines. S'il veut faire de la France une superpuissance indispensable, il a besoin de continuité".
Selon M. De Wijk, il est clair que le président français joue désormais un "rôle clé" dans le domaine militaire. Avec les Polonais, il essaie de garder les Allemands - les pays qui se réunissent dans ce qu'on appelle le Triangle de Weimar - à bord autant que possible.
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> Lire l'article dans son intégralité (version originale en néerlandais) sur le site du Het Financieele Dagblad (« Le Journal Financier »)
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