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Élection américaine : « Nous sommes dans le pire des scénarios »

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interviewée par Virginie Robert pour

  Les Echos
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L'étroitesse du scrutin, la polarisation du pays et les multiples recours judiciaires lancés par Donald Trump et les républicains créent beaucoup d'incertitude sur l'officialisation du résultat, souligne Laurence Nardon, interrogée par Virginie Robert.

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Le scrutin américain est extrêmement serré alors qu'on s'attendait à une vague bleue. Quels enseignements en tirez-vous ?

On a pu avoir l'impression ce matin d'une victoire nette de Trump, avec des sondages qui s'étaient, une fois encore, royalement trompés. Mais il faut compter avec le phénomène du « mirage rouge » et du « basculement bleu » . Les premiers comtés qui dépouillent rapidement sont ruraux et cela donne un vote républicain majoritaire.

Mais au fur et à mesure que le dépouillement avance et que les zones urbaines et les votes par correspondance entrent en ligne de compte, il peut y avoir un basculement vers le vote démocrate. C'est ce que l'on a vu dans la journée pour le Michigan et le Wisconsin. Par ailleurs, le résultat en Floride, 51,2 % pour Trump et 47,3 % pour Biden, donc quatre points d'écart, reste dans une marge d'erreur normale pour un sondage.

Donald Trump a justement remporté la Floride et l'Ohio, que les démocrates espéraient arracher. Que s'est-il passé ?

Il n'y a pas eu la vague bleue pro-Biden annoncée. Cela pose la question du vote d'adhésion à Trump dans les minorités et la classe ouvrière. Il se confirme qu'il y a un attrait, certes encore marginal mais réel, de la communauté latino pour son profil de businessman. Certains hommes afro-américains sont également sensibles aux idées conservatrices du parti républicain. Enfin, il faut se rendre compte que les violences et les destructions de biens pendant le mouvement Black Lives Matter ont pu jouer sur l'électorat. Quant à Biden, on peut s'interroger sur l'échec de sa tentative à reconquérir un électorat ouvrier puisqu'il a perdu dans l'Ohio.

Mais au global, Joe Biden semble finalement en bonne position de gagner...

S'il gagne le Nevada, l'Arizona, le Wisconsin et le Michigan, il peut gagner sans même avoir besoin d'emporter la Pennsylvanie. Si Trump emporte la Pennsylvanie, la Caroline du Nord, la Géorgie et l'Alaska, il n'atteint pas les 270 grands électeurs nécessaires.

Quel peut être le calendrier ?

Nous sommes dans le pire des scénarios, celui d'une marge très petite entre les deux candidats. Donald Trump va faire des recours dans tous les sens, ce qui peut freiner ou paralyser la remise des proclamations officielles des résultats au collège électoral le 8 décembre. Celui-ci est supposé voter pour le président le 14 décembre. Les Etats-Unis apparaissent de plus en plus profondément divisés.

Si Joe Biden est élu mais qu'il n'a pas la majorité au Sénat, pourra-t-il gouverner ?

Aux yeux des républicains, il pourrait apparaître comme un président illégitime du fait d'une élection aussi serrée et autant critiquée par Donald Trump. Ce serait l'équivalent de la situation de Trump entre 2016 et 2020, critiqué par les démocrates pour n'avoir pas gagné le vote populaire. Il reste encore six sièges à attribuer au Sénat, on verra quelle sera la répartition finale. De toute manière, pour éviter la tactique d'obstruction de la « flibuste » et y avoir les mains vraiment libres, il faut 60 sénateurs, ce qui n'arrive jamais...

Sur la question de la polarisation, il y a une réponse intéressante avec la notion de « tribalisme » en politique, qui a été avancée par la politologue américaine Lilliana Mason. Chacun choisit son parti, un peu comme une équipe de foot, et le suit quelle que soit la stratégie. Donald Trump a encore accentué ce phénomène en personnalisant son pouvoir. Si Joe Biden l'emporte, c'est peut-être lui qui est le mieux placé, en raison de son discours apaisant pendant la campagne, pour essayer de réconcilier le pays.

 

> Lire l'entretien sur le site des Echos.

 

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Laurence NARDON

Laurence NARDON

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Responsable du Programme Amériques de l'Ifri