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Donald Trump, inoxydable président anti-establishment

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Article de Laure Mandeville, intervenante à la conférence annuelle sur les Etats-Unis de l'Ifri, paru dans

  Le Figaro
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Malgré ses travers, son ego surdimensionné, ses forfanteries et ses tweets, le président américain résiste dans les sondages avec une vigueur remarquable.

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Donald Trump sera-t-il réélu en 2020? Même si les habitués de la politique américaine savent combien il est difficile et incertain de prévoir le résultat d’une élection présidentielle à onze mois du scrutin, surtout en ces temps de polarisation politique extrême et de profonde incertitude économique et géopolitique, la question ne manque pas de pertinence. Interrogé à ce sujet, le très sérieux sondeur américain John Zogby pense que les chances d’une nouvelle victoire sont élevées. «À ce stade, c’est sans doute cinq ans de plus», reconnaissait-il récemment, visiblement à contre-chœur. Car malgré le caractère chaotique, déstabilisant et souvent stupéfiant de son premier mandat, malgré tous ses travers, son ego surdimensionné, ses forfanteries et ses tweets - ou peut-être partiellement grâce à eux - le président américain résiste avec une vigueur remarquable. Preuve que ses qualités - son indomptabilité, son esprit rebelle, la volonté de tenir ses promesses, la capacité à braver l’ire des élites libérales sur la question de l’immigration ou le politiquement correct - et l’insolente bonne santé de l’économie américaine, priment, dans l’esprit de ceux qui le soutiennent sur ses défauts, aussi exaspérants soient-ils.

Loin de l’affaiblir, la formidable contre-offensive que le camp démocrate a lancée depuis son arrivée dans les murs de la Maison-Blanche pour délégitimer son élection puis son action, le présentant comme un clown, un Hitler, une marionnette de Moscou, un fou mentalement incapable de gouverner, et finalement comme un mafieux trahissant les intérêts de sécurité de son pays en Ukraine et abusant de son pouvoir (un abus de pouvoir qui semble être une réalité mais pas nécessairement une cause de destitution), semble glisser sur lui, voire le renforcer. La procédure d’impeachment dont il fait actuellement l’objet, a été en tout cas jusqu’ici, sans effet sur la solidité du soutien dont il dispose. Sinon contre-productive. Les mots de Trump en 2016, notant que sa base continuerait de le soutenir aveuglément, «même s’il se mettait sur la 5e Avenue pour y abattre quelqu’un», avaient de ce point de vue quelque chose de prophétique.

C’est en tout cas le tableau saisissant qui émerge d’une série d’enquêtes d’opinion récentes, et notamment de celles menées par le prestigieux institut Zogby Strategies, reconnu pour la fiabilité de ses sondages.

  • De passage à Paris il y a dix jours, pour une conférence à l’IFRI organisée par la directrice du programme Amérique, Laurence Nardon, sous le titre «Un an de plus ou cinq ans de plus?», John Zogby a présenté des chiffres montrant que l’opinion s’était «presque complètement retournée» sur la question de la destitution, depuis le début de la procédure. Si 50 à 54 % des Américains étaient pour l’impeachment et 42 à 44 % contre, à l’ouverture des auditions de la Chambre, la tendance s’est inversée. Les personnes interrogées sont maintenant 45 à 48 % à être contre la destitution, et 43 à 45 % à la soutenir.

Confirmant les tendances soulignées par Zogby, une enquête de l’Institut Quinnipiac donne un chiffre de 51 % d’Américains contre la destitution, et 45 % qui voudraient mettre Donald Trump «dehors». Chez l’Institut des Maristes, la proportion est respectivement de 48 % et 47 %, dans la marge d’erreur. Un autre sondage Washington Post-ABC est plus favorable aux démocrates, donnant les partisans d’une destitution à 49 % et les opposants à 46 %.

  • «On n’a certainement pas eu la vague (de rejet de Trump, NDLR) attendue par les démocrates», notait John Zogby lors de sa présentation, évoquant deux camps dans l’ensemble campés sur leurs positions «pro» ou «anti». Une personne sur cinq n’a pas d’opinion définitive, précise le sondeur, «mais ces gens-là ne regardent pas les auditions et ne passent pas leur temps à manger de l’impeachment». «Ils vivent leur vie. Leur niveau de confiance dans les institutions, quelles qu’elles soient, est à un niveau historique extrêmement bas», avertit-il.

 

  • « Donald Trump rêverait d’avoir [Elizabeth Warren ou Bernie Sanders] face à lui ! », L’institut Zogby Strategies

Zogby souligne en revanche la solidité du socle électoral du président, dont le taux de satisfaction oscille entre 42 et 45 %, un très bon chiffre. «Cela veut dire qu’on ne peut écarter un président bénéficiant d’une telle évaluation à moins de vouloir risquer une explosion générale», déclarait le sondeur américain il y a dix jours. «Nixon avait un taux de 23 à 25 % de soutien, quand il a été mis en cause, c’est pour cela qu’il est parti, pas parce qu’il reconnaissait ses torts. Il a dit, j’ai perdu ma base», note le sondeur, soulignant que Trump est au contraire soutenu par 85 à 90 % des républicains, comme le démontrent, chaque semaine, les meetings monstres où il fait le spectacle, au milieu de ses fans galvanisés. Son profil de personnalité anti-establishment et hors normes, lui permet de prospérer sous le flot des attaques et de se poser en victime du complot d’adversaires démocrates incapables de se battre à la loyale. En se lançant dans l’impeachment, «ces derniers sont tombés dans un piège», résume Zogby.

Le sondeur note en effet qu’«aucun des avantages que les démocrates avaient il y a encore six ou huit mois n’existe plus à l’heure actuelle». Si le «bon vieux Joe» Biden garde la meilleure chance de vaincre Trump dans les états pivots comme la Pennsylvanie, dont il est originaire, le soutien dont il dispose s’est effrité au fil des débats de la primaire démocrate, sans qu’aucun de ses compétiteurs, situés beaucoup plus à gauche, ne réussisse à s’imposer vraiment. Elizabeth Warren et Bernie Sanders ont perdu du terrain sur un sujet clé, la santé, en proposant un programme de couverture universelle d’État, sans expliquer comment le financer. «Donald Trump rêverait de les avoir face à lui!», dit Zogby, qui voit aussi dans l’irruption du milliardaire Mike Bloomberg dans la course, un reflet de la faiblesse des autres candidats.

L’un des points les plus intéressants de l’exposé du sondeur est d’évoquer les frémissements d’opinion en faveur du président sortant, chez des catégories d’électeurs d’ordinaire massivement dans l’opposition. Véritable coup de tonnerre dans le ciel démocrate, Zogby voit notamment apparaître dans ses sondages une «note de favorabilité» pour Trump de 25-27% chez les Noirs, en théorie acquis au camp démocrate depuis le combat des droits civiques des années 1960. «D’ordinaire, cette note était de 9 % !», souligne-t-il. Il voit aussi une inflexion en faveur du président monter chez les jeunes. «Cela ne signifie pas que cette appréciation se traduira par un vote noir ou un vote jeune pour Trump», s’empresse-t-il de dire. «Mais ces catégories pourraient décider qu’ils n’ont pas envie de changer le capitaine du bateau et ne pas aller voter, comme cela fut déjà un peu le cas en 2016», prédit-il, rappelant que le taux de chômage a fortement régressé chez les Afro-Américains sous Trump. Ces signaux sont d’autant plus intéressants que les démocrates ont construit toute leur stratégie des dernières années sur la défense des minorités opprimées pour triompher. Mais la surenchère des progressistes sur les questions culturelles pourrait être en train d’aliéner un électorat noir et latino conservateur, attaché à la famille traditionnelle. «L’un des problèmes clé pour les démocrates, va être de choisir quel type de parti ils veulent être, et la bataille volatile et acharnée qui se joue dans leurs rangs, montre que ce n’est pas une affaire résolue», dit Zogby, n’excluant pas qu’ils se retrouvent, sans candidat évident, avec une Convention ouverte, à l’été. Un scénario qui serait évidemment à l’avantage de Trump.

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