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De Gaza a Moscou

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Le 7 octobre 2023 a brisé un peu plus ce qu’il restait du système international mis en place en 1945. Fondé par les vainqueurs, au premier rang desquels figuraient les États-Unis, garants de son fonctionnement, ce système s’est construit sur un principe fondamental : la reconnaissance du caractère unique de la Shoah. En 1948, la création de l’État d’Israël fut une réponse collective et politique à la « solution finale » mise en œuvre par l’Allemagne nazie pour annihiler le peuple juif.

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Thomas Gomart
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Mike Chevreuil
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Le terrorisme militarisé du Hamas – sur le sol israélien – a provoqué un traumatisme qui renvoie Israël à sa destinée historique. Le piège tendu au gouvernement de Benjamin Netanyahou, qui n’a cessé d’encourager la colonisation en Cisjordanie et de miner le « processus de paix », est redoutable car il condamne Israël à des opérations militaires visant à « éradiquer le Hamas ». Tsahal tue donc des civils dans la bande de Gaza, ce qui conduit le président turc Recep Tayyip Erdoğan à parler, parmi d’autres, de « génocide ». En état de légitime défense, le gouvernement israélien justifie son recours à la force militaire par les déclarations répétées, après le 7 octobre, des dirigeants du Hamas appelant à la destruction de l’« entité sioniste ».

S’il contrôle Gaza depuis 2005, le Hamas ne représente pas le peuple palestinien, qui est morcelé en plusieurs composantes. En dépit des engagements de la communauté internationale, les droits de ce dernier d’avoir un État n’ont jamais été reconnus. Pour l’heure, la réplique militaire israélienne est déconnectée de toute perspective politique, d’autant plus que Netanyahou porte une très lourde responsabilité personnelle dans l’enchaînement des événements. Pour se maintenir au pouvoir, il avait fait le choix d’une fuite en avant illibérale1.

Cette résurgence du conflit israélo-palestinien, passé sous silence par les pays occidentaux et arabes depuis plusieurs années, intervient dans le contexte d’un double affrontement : entre la Russie et l’Ukraine, entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Autant de « guerres existentielles » qui renvoient les différents protagonistes à des traumatismes collectifs : la Shoah (« anéantissement ») pour les Israéliens, la Nakba (« désastre ») pour les Palestiniens, l’Holodomor (« extermination par la faim ») pour les Ukrainiens et le Medz Yeghern (« grand carnage ») pour les Arméniens2. Ces traumatismes hantent les événements en cours, qui en sont la continuation. Pour l’heure, la poursuite de ces affrontements semble inexorable comme s’il était toujours impossible d’échapper à la violence du passé.

Dans cet enchevêtrement de conflits, la Russie de Vladimir Poutine occupe une place particulière. L’échec de la contre-offensive ukrainienne lancée à l’été 2023 ouvre une période d’incertitude qui porte moins sur la détermination des Ukrainiens à se défendre que sur celle des Occidentaux à continuer à les soutenir militairement. Poutine mise sur les élections de novembre 2024 pour un changement de posture des États-Unis, susceptible d’être accéléré par leur réengagement au Moyen-Orient pour soutenir Israël et prévenir toute implication directe de l’Iran. À l’instar des Israéliens, les Ukrainiens sont en situation de légitime défense depuis février 2022 mais, à leur différence, ils n’ont jamais mené de politique de colonisation.

La situation au Caucase où l’Azerbaïdjan vient de chasser les Arméniens du Haut-Karabagh avec le soutien de la Turquie, mais aussi d’Israël, apporte un élément de complexité supplémentaire. Les deux pays entretiennent une étroite coopération : pétrole azéri contre armes israéliennes. Lâchée par Moscou et mollement soutenue par l’Occident, l’Arménie se retrouve bien seule. Frontalier, l’Iran se montre particulièrement attaché au respect de son intégrité territoriale. Sur ce théâtre, la situation demeure aussi très volatile.

Une des conséquences majeures du 7 octobre réside dans le changement de pied de Moscou. En soutenant le Hamas, la Russie rompt sa position d’équilibre au Moyen-Orient et consacre son rapprochement avec l’Iran. Elle fait le calcul suivant : l’affaissement de l’« Occident collectif », en raison de sa politique de « deux poids, deux mesures », va s’accélérer et lui permettre de poursuivre ses ambitions néo-impériales. Les Européens en ont-ils conscience ?

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1 Thomas Gomart, « La fuite en avant d’Israël », Études, n° 4303, avril 2023, pp. 29-30 (sur www.revue-etudes.com).
2 Gaïdz Minassian, « Trois guerres en interaction, en Ukraine, à Gaza et dans le Haut-Karabakh », Le Monde, 2 novembre 2023 (sur www.lemonde.fr).
 
> Voir la chronique sur le site de la revue Études
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