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Dans la guerre en Ukraine, la Chine peut-elle devenir l'alliée de la Russie?

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interrogé par Claire Tervé pour le

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Selon des responsables américains anonymes, la Russie aurait demandé de l’aide économique et militaire à Pékin pour continuer à mener l’offensive.

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DIPLOMATIE - Ménager la chèvre et le chou. Alors que l’invasion en Ukraine par la Russie a débuté il y a près de trois semaines, l’attention s’est brusquement tournée vers la Chine ce lundi 14 mars. Selon des responsables américains anonymes, la Russie aurait demandé de l’aide économique et militaire à Pékin pour continuer à mener l’offensive. Ce, alors que Washington a mis en garde la Chine contre toute assistance à Moscou.

D’après le New York Times, qui cite ces responsables restés dans l’ombre, Moscou aurait demandé à son voisin et partenaire diplomatique de lui fournir des équipements militaires pour la guerre, et une aide économique pour l’aider à surmonter les sanctions internationales. Aucune précision n’a été donnée sur la nature exacte de l’aide demandée, ni quelle a pu être la réponse chinoise. “Ces derniers temps, les États-Unis propagent de fausses nouvelles à l’encontre de la Chine”, a réagi devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian. 

Cette phrase qui ressemble à un démenti signifie-t-elle cependant que la Chine exclut de venir en aide à Moscou dans sa guerre contre l’Ukraine? Nous avons posé la question à Marc Julienne, chercheur et responsable des activités Chine à l’Ifri. 

La Chine peut-elle accepter d’aider militairement la Russie dans ce conflit? 

On a très peu d’éléments là-dessus, c’est une information qui aurait volontairement fuité depuis le département d’État américain, on ne sait pas réellement ce que la Russie a pu demander et plus important encore on ne sait pas ce que la Chine a répondu. Mais cela me semble assez peu crédible que la Chine décide de transférer des équipements militaires à la Russie dans le cadre du conflit ukrainien.

Pourquoi n’est-ce pas crédible? 

Parce que ce serait rompre avec cette neutralité de façade que la Chine essaie de maintenir depuis plus de deux semaines. Pékin maintient la seule position qui lui permet de ménager ses propres intérêts dans cette guerre.

Officiellement, elle se dit neutre, elle appelle au respect de la souveraineté de chaque État et au respect de la charte des Nations Unies. Elle a même prétendu être prête à jouer un rôle de médiateur, mais n’a pas fait un seul pas concret vers une quelconque initiative favorisant ces négociations. Mais sur le plan idéologique, il y a un alignement d’intérêts ce qui se voit en coulisse. Pékin, comme Moscou, s’oppose catégoriquement aux États-Unis, à l’Otan, à l’UE et de manière plus générale aux démocraties libérales occidentales.

 

Pour protéger son économie nationale, elle ne peut cependant pas aider explicitement la Russie. Car elle mettrait en porte-à-faux et serait considérée comme cobelligérante par les États-Unis et l’Occident. S’abattraient alors sur la Chine de lourdes sanctions économiques à l’image de celles qui ont frappé la Russie. Et je doute que Pékin veuille s’exposer à cela, surtout pas maintenant. 

Dans cette guerre en Ukraine, la Chine a beaucoup plus à perdre qu'à gagner." Marc Julienne, chercheur, responsable des activités Chine à l’Ifri.

Pourquoi pas maintenant en particulier? 

Parce qu’en ce moment, le parti communiste chinois est pris entre deux feux. D’une part, 2022 est censée être une année très importante, puisque doit avoir lieu à l’automne le 20e Congrés du parti communiste lors duquel Xi Jinping devrait être reconduit pour un troisième mandat de Secrétaire général. C’est quelque chose qui ne s’est pas produit depuis la mort de Mao. Il faut qu’il y ait ainsi une certaine stabilité pour que Xi Jinping ne soit pas remis en question avant ce grand événement.

Ensuite, il y a le Covid. La Chine fait face à une reprise épidémique très importante à travers tout le pays qui fait que la crise sanitaire n’est pas du tout réglée sur le territoire chinois, loin de là. Donc ce n’est vraiment pas le moment pour eux de subir des sanctions occidentales. 

 

Dans cette guerre, la Chine a-t-elle à perdre ou à gagner? 

La Chine a beaucoup plus à perdre que ce qu’elle a à gagner. Le risque pour Pékin, c’est que la Russie ait fait une grosse erreur et se casse les dents sur l’Ukraine. Si la Russie perd, ce sera alors une grande victoire symbolique pour l’Occident: un renforcement de l’Union européenne, de l’Otan et de la position de domination américaine dans le monde et donc une défaite idéologique de la Chine.

Si la Russie l’emporte, les gains économiques ne seraient pas non plus faramineux pour Pékin puisque la Chine déjà de nombreux contrats en Ukraine, donc ça ne changerait pas la face économique du pays. Mais elle gagnerait sur la ligne idéologique. 

Enfin il faut garder en tête que ce qu’il se passe en Ukraine est une sorte de test grandeur nature de ce que la Chine pourrait faire avec Taïwan. Pékin observe de très près comment les Occidentaux réagissent. Ils ont dû voir que la réponse occidentale est draconienne, large, unifiée et forte. La Chine doit en tirer des leçons qui ne sont pas très favorables pour elle, car elle sait ce qui pourrait l’attendre si elle touche à Taïwan. 

 

Mais dans cette guerre ukrainienne elle a une chance de sortir gagnante. Si elle garde sa ligne de crête “neutre”, que la Russie gagne un peu de terrain sur l’Occident, mais en même temps s’affaiblit assez dans le conflit, Moscou sera alors en demande de partenariats avec la Chine, à l’avantage de cette dernière. 

 

>> Retrouver l'entretien sur le site du Huffpost.

 

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Marc JULIENNE

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Directeur du Centre Asie de l'Ifri
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