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Comment la Russie forme ses futurs conquérants de l’Arctique

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cité par Estelle Levresse dans

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La région polaire constitue un territoire de développement prioritaire pour Moscou, qui y investit beaucoup d'argent. Les ambitions de croissance en termes d'extraction d'hydrocarbures nécessitent une main d'œuvre formée.

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En Arctique, la Russie mène d'énormes investissements à la fois civils et militaires depuis dix ans. À l'automne dernier, Vladimir Poutine a présenté son plan de développement "Arctic 2035", qui prévoit une enveloppe de 110 milliards de roubles (1,22 milliard d'euros) pour les quinze prochaines années.

Le modèle de développement repose sur deux axes principaux: augmenter l'extraction des ressources naturelles et accroître le trafic de fret de la "Route Maritime du Nord", appelé aussi passage du Nord-Est. Avec le réchauffement climatique, cette route longeant les côtes septentrionales de la Russie est désormais navigable une plus grande partie de l'année. La Russie entend en profiter pour l’acheminement de ses ressources vers les marchés asiatiques. En 2020, 33 millions de tonnes de fret environ ont emprunté la Route Maritime du Nord, un chiffre qui a presque doublé en deux ans. En 2018, le président russe avait annoncé un objectif de 80 millions de tonnes d'ici 2024. Mais, l'échéance a été repoussée à 2030 en raison notamment de retards dans les projets d'exploitation.

Si le chiffre du transit est bien en forte croissance depuis plusieurs années, Florian Vidal, chercheur à l'IFRI (Institut français des relations internationales) doute toutefois qu'il puisse atteindre des sommets. Cette voie maritime reste fermée une partie de l'année et ses contraintes géographiques demeurent importantes:

C'est une voie dangereuse, elle est sinueuse et passe au bord des côtes.

Il n'est pas sûr non plus que les transporteurs maritimes souhaitent prendre le risque de naviguer en Arctique.

Cela demande des bateaux à coque renforcée et les transporteurs craignent qu'une marée noire dans ce territoire très fragile soit catastrophique pour leur image.

Pour lui, la Voie maritime du Nord a vocation avant tout à être un point de départ des exportations de matières premières russes en direction des marchés internationaux, plus qu'à devenir une voie de transit.

Toutefois, note le chercheur :

Légitimer cette route donne une bonne excuse à la Russie pour déployer de nouveaux projets d'exploitations.

Pour rappel, l'Arctique russe, c'est un quart des réserves nationales de pétrole et 80% du gaz naturel, mais aussi beaucoup de minerais (nickel, cobalt, palladium, charbon...). Florian Vidal détaille : 

Pour la décennie à venir, Moscou mise sur deux projets dans la péninsule de Taïmyr: l’exploitation des champs pétrolifères et gaziers avec Rosfnet et celle du gisement houiller de Syradasaysky. À terme, ce site minier pourrait extraire jusqu’à 10 millions de tonnes de charbon par an.

Le modèle de financement et de fonctionnement de l'État russe est fondé exclusivement sur ses ressources en hydrocarbures.

Au vu des dangers et des coûts estimés que représentera le réchauffement climatique avec notamment la fonte du pergélisol – menacé d'un dégel massif et accéléré selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), la Russie a-t-elle les moyens d'assumer ses ambitions en Arctique? Des scientifiques de l’Université d’État Lomonossov à Moscou ont calculé que les dommages provoqués d’ici 2050 par le dégel du pergélisol en Russie pourraient représenter 8,5 % du PIB. 

La Russie a-t-elle vraiment le choix? Florian Vidal estime :

C'est un peu le piège dans lequel Moscou s'est enfermé. Le modèle de financement et de fonctionnement de l'État russe est fondé exclusivement sur ses ressources en hydrocarbures. Au cours des dix dernières années, le pays n'a pas entrepris de diversification de son économie. La Russie poursuit donc une logique jusqu'au boutiste de l'exploitation de ses ressources. 

L'Arctique lui fournit déjà 20% de son PIB national mais pourrait lui en reprendre une partie aussi.

 

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Florian VIDAL

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Ancien chercheur associé, Centre Russie/Eurasie de l'Ifri