INTERNATIONAL - Un pays fracturé. Comme les sondages l’avaient prévu, le parti d’extrême droite allemand AfD (Alternativ für Deutschland) a fait un score historique aux élections fédérales anticipées qui se sont déroulées ce dimanche 23 février, se plaçant derrière les conservateurs de la CDU/CSU. Mais ces résultats globaux cachent un phénomène qui montre le poids de l’histoire dans la percée du parti de la controversée Alice Weidel.

Comme le détaille Paul Maurice, spécialiste de la politique allemande à l’Ifri (Institut français des relations internationales), « la carte électorale montre le fort différentiel est-ouest pour les “deuxièmes voix” ». Selon un système de vote complexe, les électeurs avaient en effet deux voix dimanche : la première « Erststimme » pour choisir le candidat de leur circonscription qui siégera au Parlement, la seconde « Zweistimme » pour choisir la liste d’un parti. C’est ce second vote qui détermine l’équilibre en présence au Bundestag.

Paul Maurice montre ainsi la vague bleu ciel qui a submergé l’Allemagne de l’est. Si le contraste est saisissant sur les deux cartes ci-dessous, celle de gauche qui représente les Zweistimme est encore plus marquante avec la gauche du SPD (en rouge) qui disparaît presque partout. En résulte une Allemagne bicolore, divisée entre l’AfD et la CDU/CSU.

• La carte électorale montre le fort différentiel est-ouest pour les « deuxièmes voix » (proportionnelle). La « première voix » montre l’ancrage territorial du SPD dans ses bastions (Ruhr, Basse-Saxe, Hambourg, Brême) malgré la débâcle électorale.

Un fossé social, économique, culturel entre l’Est et l’Ouest

Difficile de ne pas y voir les résidus d’une histoire tourmentée par la Guerre Froide, période où le pays a été divisé en deux par les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. Entre 1945 et 1989, la République démocratique allemande (RDA) à l’est était occupée par l’Union soviétique, tandis que la République fédérale allemande (RFA) à l’ouest était sous le contrôle des alliés occidentaux dont les États-Unis.

La réunification de 1990 qui s’est déroulée dans la foulée de la chute du mur de Berlin et de l’URSS a mis fin à la séparation géographique. Sauf qu’entre l’ex-RDA et l’ex-RFA, les décalages persistent à la fois sur le plan économique, social et culturel. Les élections européennes de juin 2024 avaient déjà illustré ce fossé comme le montrait la carte ci-dessous, qui circule d’ailleurs à nouveau sur les réseaux sociaux depuis dimanche soir.

L’échec du BSW

Paul Maurice note enfin la grosse performance du parti dit de « gauche conservatrice » BSW, formé il y a moins d’un an par une ancienne du parti de gauche radicale Die Linke. Anticapitaliste, anti-immigrés, contre les livraisons d’armes à l’Ukraine, prônant le dialogue avec la Russie et la Chine... Ce discours a permis au BSW de performer dans l’Est du pays comme vous pouvez le voir ci-dessous, selon la même frontière héritée de la Guerre Froide.

• Alors que l’AfD a renforcé son implantation à l’Est, Die Linke, malgré son fort succès (8,8%), a perdu, en partie, cette spécificité face à la concurrence de la BSW.

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