Cap sur les houthis et la mer de Chine pour le « Charles de Gaulle »
La mission Clemenceau 2025 conduira le porte-avions en mer Rouge, où il affrontera drones et missiles houthis, avant des exercices de haute intensité en Indo-Pacifique.
Prêt à parer toute attaque, voire, s'il le faut, à « se prendre des coups ». Dans le cadre de la mission Clemenceau 2025, le groupe aéronaval (GAN) français mettra le cap ce jeudi sur l'Extrême-Orient, sa mission la plus exposée et ambitieuse depuis sa mise en service il y a vingt-trois ans. Ce long déploiement (plus de quatre mois) sera redoutable d'abord par la nécessaire traversée de la mer Rouge et du détroit de Bab-el-Mandeb, alors que les houthis continuent de faire pleuvoir missiles et drones sur les navires de passage.
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Simuler toutes les menaces
Peu avant son départ, le GAN a aussi mené un exercice de lutte antidrone. La conclusion d'une longue préparation qui a permis de simuler toutes les menaces auxquelles pourrait être confronté l'équipage. Dans une de ces nombreuses répétitions, reproduisant la manœuvre inaugurée par un hélicoptère Panther pour protéger la frégate multimissions Alsace au printemps, un des deux hélicoptères Caïman qui suivront le Charles de Gaulle s'est fait la main à la 12,7 mm pour abattre un potentiel drone suicide.
La France met ici un point d'honneur à ne pas contourner l'obstacle – option humiliante à laquelle l'Allemagne a dû se résoudre avec sa frégate F-125 Baden-Württemberg, contrainte ce même mois à vingt jours de détour par le cap de Bonne-Espérance, pour cause de manque d'expérience et de matériel face à ces nouvelles menaces.
« Le déploiement du GAN dans cette région démontre la volonté de la France de défendre la liberté de navigation et d'accès aux espaces communs aux côtés de ses alliés et partenaires », relève Céline Pajon, chercheuse, spécialiste de l'Indo-Pacifique à l'Institut français des relations internationales(Ifri).
Après ce baptême du feu, la suite du programme annoncé début novembre prévoit deux étapes récurrentes. D'abord, l'Inde, pour les exercices annuels Varuna, dont le match aller s'est tenu en septembre au large de Toulon. L'occasion de vanter encore les avions de combat Rafale Marine. Dassault Aviation espère d'ailleurs signer avant la fin de l'année un contrat de 26 appareils destinés au porte-avions indien. Une poignée des Rafale du
Charles de Gaulle pourrait-elle à cette occasion apponter sur son homologue indien, le Vikrant ?
Ensuite, le GAN s'arrêtera à Singapour, où le Charles de Gaulle avait déjà fait étape en 2019. La cité-État avait un temps été envisagée pour héberger carrément une partie du commandement français pour l'Indo-Pacifique, mais le projet ne serait plus à l'ordre du jour. Reste que le port du détroit de Malacca s'affirme comme le point d'appui indispensable pour le porte-avions sur la route du Pacifique.« L'escale à Singapour constitue une opportunité majeure pour approfondir les liens bilatéraux, commente Céline Pajon. Ce renforcement du partenariat militaire avec Singapour contribue à la crédibilité des armées françaises, capables d'intervenir à l'échelle mondiale. »
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Renforcer les liens avec l'Indonésie et les Philippines
« Cette escale pourrait ouvrir la voie à une coopération renforcée dans des domaines tels que la sécurité maritime, la lutte contre la pêche illégale et les initiatives liées à la défense de la souveraineté en mer de Chine méridionale, précise Céline Pajon. Elle pourrait également déboucher sur des accords concrets en matière de formation, d'exercices conjoints ou d'accès à des infrastructures philippines pour les forces françaises, consolidant ainsi une présence stratégique. »
« Jeux olympiques » aéronavals entre alliés
Ce crochet implique aussi un passage en mer de Chine méridionale, où les forces navales chinoises marquent de près, voire harcèlent, les flottes des États riverains et les marines de passage, revendiquant toutes ces eaux, jusqu'à plus de 1 000kilomètres de leurs côtes. Ce second tronçon sensible de la mission Clemenceau 2025 visera aussi à réaffirmer l'attachement de la France à la liberté de navigation.
« Ce passage nécessite un équilibre délicat, décrypte Céline Pajon : afficher une présence crédible sans adopter une posture provocatrice qui pourrait alimenter les tensions régionales. Ce transit permet aussi de rassurer les partenaires régionaux comme les Philippines ou le Vietnam sur l'engagement français en faveur de la sécurité maritime. » Une navigation par le détroit de Taïwan paraît, elle, peu probable, tant elle serait risquée diplomatiquement, alors que la Chine la présenterait inévitablement comme une « provocation ».
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« Pacific Steller est un exercice dit du “haut du spectre”, décrit Céline Pajon. Il est destiné à valider notre interopérabilité dans le combat aéromaritime dans le Pacifique. Cette interaction pourrait être élargie aux marines de premier rang de la zone qui le désirent telles que le Japon, l'Australie, le Canada, la Corée du Sud, etc. ».
Pour les alliés, il s'agirait de se montrer comme un véritable « pack de rugby », sepréparant à un scénario « de crise extrême », pour que le message de dissuasionsoit reçu 5 sur 5 par les Russes et les Chinois. « Bien que la France ne vise pas à être en première ligne face à des menaces directes, ces exercices renforcent sacrédibilité et son expertise opérationnelle, justifie Céline Pajon. Ils permettent également à la France d'exprimer sa solidarité avec ses alliés tout en montrant qu'elle est prête à contribuer à la stabilité régionale en cas de crise. »
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