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Bombardements en Ukraine : changement de stratégie de l’armée russe ou aveu d’impuissance militaire ?

Interventions médiatiques |

cité par Mathilde Karsenti dans

  Marianne
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En réaction à l’explosion du pont de Crimée survenue deux jours plus tôt, Vladimir Poutine a ordonné des bombardements massifs dans plusieurs villes ukrainiennes, notamment à Kiev et Lviv.
 

Contenu intervention médiatique

Nouveau chapitre dans la guerre ? Deux jours après l'explosion au véhicule piégé sur le pont de Kertch – qui relie la Russie à la Crimée – l’armée russe a repris des bombardements massifs en Ukraine. Depuis ce lundi 10 octobre, des missiles sont tirés sur plusieurs villes du pays, dont Kiev et Lviv à l’ouest, pourtant épargnées depuis plusieurs mois. Les frappes ont visé des infrastructures militaires, énergétiques et de communication ukrainienne, selon le ministère de la Défense russe. Elles ont également touché des sites purement civils, comme une université, un terrain de jeu, des parcs ou le pont piéton du centre-ville. D'après un bilan local, au moins 19 personnes sont décédées dans ces frappes, et plus de 100 ont été blessées.

En décidant de s’en prendre à nouveau à des villes ukrainiennes éloignées du front, Vladimir Poutine marque le début d’une nouvelle escalade militaire sur le terrain. Une escalade qui sonne comme une réponse aux multiples échecs subis par l’armée russe et fait suite à l’annexion de quatre régions ukrainiennes fin septembre. Mais cette pluie de missiles est-elle un véritable tournant dans la guerre en faveur de la Russie ou au contraire, un aveu d’impuissance des soldats de Poutine. Éléments de réponse.

« RÉPONSE RADICALE »

Peu de temps après les attaques, le porte-parole du ministère de la Défense, Igor Konachenkov et le président Vladimir Poutine ont pris la parole. Et le vocabulaire utilisé n'est pas anodin. Il fait écho à un discours bien connu : cette offensive vise à démanteler un « régime politique » et non sa population. « Le régime de Kiev, par ses actions, s'est en fait mis au même niveau que les formations terroristes internationales, avec les groupes les plus odieux », a expliqué le président russe. « Laisser des crimes de ce genre sans réponse est tout simplement impossible ». Habitué des prises de position tranchantes, le numéro deux du conseil de sécurité et ex-président, Dmitri Medvedev, a même admis que ces frappes n’étaient qu’un « premier épisode ».

Des bombardements qui sonnent donc  « comme une réponse radicale au sabotage du pont de Kertch à la fois pour contenter les partisans russes d’une guerre totale et pour marquer l’arrivée du général Surovikin, chargé par le Kremlin de relancer " l'opération spéciale " », commente à Marianne, Dimitri Minic, docteur en histoire des relations internationales et chercheur sur la Russie à l’Institut français des relations internationales (Ifri).  

Pour rappel, le pont de Kertch reliant la Crimée à la Russie, a été inauguré en 2018. Il est de fait un symbole majeur de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014.

Ces frappes de masse permettent aussi à Vladimir Poutine – qui risquait de perdre du crédit après ses différentes pertes –  de se placer en chef de guerre. Il est capable de répliquer et de se redonner une légitimité, non seulement face à sa population mais aussi face à ses homologues du monde entier. « L'objectif des frappes a été rempli, s’est d’ailleurs félicité le porte-parole du ministère de la Défense, dans un compte rendu quotidien ce mardi matin. Tous les sites désignés ont été touchés ». Aucune précision sur le nombre de tirs et sur leur localisation toutefois.

PERSPECTIVES À RELATIVISER

Cette campagne de bombardements a été envisagée dans « un cadre purement stratégique comme composante d’une stratégie offensive, défensive ou préemptive à travers la dissuasion » considère le chercheur Dimitri Minic. Peu surprenant puisque la « Russie a une culture militaire de la puissance de destruction ». Mais les répercussions de ces frappes restent à relativiser. « L’armée russe avait conduit le même type de frappes (à une moindre échelle) après l’offensive réussie des Ukrainiens dans l’oblast de Kharkiv, sans que cela n’ait eu d’effets sur l’avancée ukrainienne », ajoute le spécialiste de la Russie.

Par ailleurs, le choix des cibles de ces missiles interroge : un parc pour enfants, un pont touristique à Kiev ou encore une université. L’armée russe ne semble pas avoir véritablement pensé ses objectifs.

Ces bombardements paraissent « davantage être le fruit d’une impuissance et d’une frustration militaire, pour Dimitri Minic, que d’une stratégie pensée et menée pour atteindre des objectifs politiques ou militaires décisifs ». 

D’autant plus que l’armée russe est tributaire de la quantité de son matériel militaire et que les missiles sont coûteux. Depuis sept mois, la Russie a consommé une partie non négligeable de ses armes de haute précision. 

« La question est plutôt celle du stock restant de missiles de croisières et balistiques de nouvelle génération. Moscou sait que ce réservoir n’est pas illimité (à cause de la cadence de production et des sanctions) et qu’il faut en garder en cas de conflit militaire avec l’OTAN. » Reste à savoir si l'Ukraine ripostera.

> Retrouvez l'article en intégralité dans Marianne.

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Dimitri MINIC

Dimitri MINIC

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Chercheur, Centre Russie/Eurasie de l’Ifri

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