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Aux origines de l'exportation du conflit israélo-palestinien

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Il y a 45 ans avait lieu la guerre des Six Jours. Ce conflit extrêmement bref, qui a abouti à l'occupation de la bande de Gaza, de la Cisjordanie et du plateau du Golan par Israël, a marqué durablement le Proche-Orient. Il a aussi eu un impact retentissant en France, et ce dans trois domaines.

Le premier domaine est celui de la diplomatie. A partir de la fin de la guerre d'Algérieen 1962, la France rétablit progressivement ses relations diplomatiques avec les pays arabes. Cette amélioration des liens avec le monde arabe ne se traduit pas immédiatement par une dégradation des relations avec Israël. En 1966, le général De Gaulle autorise encore la vente à l'armée israélienne de 50 Mirage 5. Au début de l'année 1967, Menahem Begin se rend à Paris. Il sait que la France n'est plus aussi bien intentionnée à l'égard de l'Etat hébreu mais il ne veut pas croire à une rupture et déclare : "nous n'avons rien ni personne pour remplacer la France, surtout pas en Europe. Notre Europe, c'est la France. Si nous perdons la France, que reste-t-il ? L'Allemagne ? Que Dieu nous en garde !". Pourtant, la guerre de juin 1967 provoque un divorce entre Paris et Tel Aviv. Le 22 mai, le président égyptien Nasser annonce le blocus du golfe d'Aqaba, ce que les Israéliens considèrent comme un casus belli. Le général du Gaulle ne partage pas cet avis et prévient les protagonistes que le premier qui ouvrirait le feu serait considéré comme responsable du conflit. Le 5 juin, les forces israéliennes déclenchent les hostilités. Le jour même, le gouvernement français annonce un embargo sur les armes à destination des belligérants, ce qui, dans les faits, affecte avant tout Israël. Les 50 Mirage 5, déjà payés par l'Etat hébreu, ne sont pas livrés. Quelques mois plus tard, la France participe au vote de la résolution 242 de l'ONU qui exige le "retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés".

Le domaine du militantisme est aussi impacté par la guerre des Six Jours. Dans les semaines précédant le conflit, les déclarations belliqueuses des leaders arabes, en particulier du chef palestinien Ahmed Choukairy, font craindre un nouveau génocide, deux décennies après la libération des camps d'extermination nazis. En France, les manifestations de soutien à Israël se multiplient. A Paris, le 31 mai 1967, près de 30 000 personnes se réunissent devant l'ambassade de l'Etat hébreu. Ces manifestants qui craignent tant pour la survie d'Israël sont surpris par l'issue du conflit : en moins d'une semaine, Tsahal signe une victoire éclair. L'occupation des territoires palestiniens se traduit par l'exode de centaines de milliers d'habitants. De nouveaux camps de réfugiés sont créés. En France, des associations de soutien aux réfugiés ne tardent pas à voir le jour dont l'Association de Solidarité Franco-Arabe (ASFA). La mouvance pro-palestinienne se structure alors autour de quatre tendances : les militants laïques arabes qui se trouvent ainsi une nouvelle cause après l'indépendance de l'Algérie, les militants d'extrême gauche qui considèrent Israël comme un suppôt de l'impérialisme, une partie des gaullistes qui, comme leur chef, rejettent la responsabilité de la guerre des Six Jours sur Israël et des militants catholiques regroupés autour de l'hebdomadaire Témoignage chrétien.

Enfin, la guerre de 1967 a eu des conséquences pour la France en matière de sécurité. Cette guerre a fait réaliser aux combattants palestiniens qu'ils ne pouvaient pas compter sur les armées des pays arabes pour "libérer la Palestine". Ils ont donc opté pour une stratégie d'internationalisation du conflit en misant sur des modes opératoires asymétriques comme des détournements d'avions, des prises d'otages ou des attentats. L'Europe a été le principal théâtre de cette exportation du conflit israélo-palestinien et la France n'y a pas échappé. En janvier 1975, par exemple, deux attaques au lance-roquettes visent des avions israéliens à l'aéroport d'Orly. De leur côté, les services secrets israéliens ne se privent pas d'assassiner des responsables palestiniens sur le sol français, à l'instar du représentant de l'OLP Mahmoud Hamchari. En 1980, l'exportation du conflit israélo-palestinien prend une nouvelle dimension avec l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic : ce ne sont plus uniquement les intérêts israéliens qui sont visés mais également la communauté juive de France. Il faut attendre le début de la première Intifada en 1987 pour que le conflit se recentre sur le Proche-Orient et que la stratégie d'exportation cesse.

En somme, la guerre de 1967 n'a duré que six jours et s'est déroulée à des milliers de kilomètres de la France mais ses effets ont touché le territoire français et continuent de se faire sentir aujourd'hui. Depuis la deuxième Intifada, chaque flambée de violence au Proche-Orient provoque une montée des tensions en France et une hausse des actes antisémites. Qu'on le veuille ou non, le conflit israélo-palestinien est devenu une affaire française.

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Marc HECKER

Marc HECKER

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Directeur adjoint de l'Ifri, rédacteur en chef de Politique étrangère et chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri

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